Hydro-Québec devrait non seulement rénover sa centrale nucléaire de Bécancour, mais elle devrait aussi en construire une deuxième pour diversifier ses approvisionnements et augmenter la sécurité énergétique de la province.

Notre portefeuille énergétique est «très risqué», explique Marcel Lacroix, ingénieur nucléaire et professeur à l'Université de Sherbrooke, lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

À peu près toute l'électricité consommée au Québec vient de centrales situées très loin au nord et doit être transportée sur des milliers de kilomètres. «Si c'était un portefeuille boursier, on dirait qu'il contient un seul titre, un bon titre, mais à haut risque», illustre-t-il.

Selon lui, il n'est pas du tout certain que ces centrales auront assez d'eau pour maintenir leur production à long terme. Il faut aussi penser qu'il faudra un jour ou l'autre refaire les grands barrages en béton d'Hydro-Québec.

C'est à ça qu'il faut penser avant de décider de rénover ou non la centrale nucléaire de Bécancour, estime le professeur, qui comprend pourquoi le gouvernement du Québec met autant de temps avant de se prononcer.

«Il y a des aspects hautement stratégiques là-dedans. C'est une question économique, mais aussi une question de sécurité énergétique.»

Marcel Lacroix souligne que la centrale Gentilly-2 est le seul équipement de production d'électricité situé à proximité des grands centres de population du Québec. Idéalement, le Québec devrait même construire une autre centrale, et se doter également d'une centrale au gaz naturel pour augmenter sa sécurité énergétique.

«Il faut avoir d'autres cartes maîtresses, dit-il. Personnellement, je serais plus rassuré avec un portefeuille énergétique composé d'hydroélectricité, de nucléaire, de gaz naturel et d'énergies intermittentes comme l'éolien et le solaire.»

Le Japon, qui a été durement éprouvé par le désastre de Fukushima, n'a pas été paralysé parce qu'il a un portefeuille énergétique diversifié composé à parts à peu près égales de charbon, de gaz naturel, de nucléaire et d'hydroélectricité et d'autres énergies renouvelables, souligne Marcel Lacroix.

La décision de fermer Gentilly 2 serait lourde de conséquences, estime l'ingénieur, qui a déjà travaillé à Énergie atomique du Canada. «Si le Québec sort du nucléaire, ce ne sera pas facile d'y revenir. On perdait une expertise que nous ne reverrons plus parce que ça prend au moins 20 ans à développer».

Ce qu'il faut garder en tête, selon Marcel Lacroix, c'est qu'aucune forme d'énergie ne va sauver le monde. «Il faut avoir un bouquet».

Plutôt du gaz

Le Québec aurait tout intérêt à ne pas dépendre uniquement d'une seule source d'énergie, estime lui aussi Jean-Thomas Bernard, spécialiste en énergie et professeur à l'Université d'Ottawa.

Avec les changements climatiques, personne ne sait vraiment comment variera le niveau d'eau dans les grands réservoirs du nord, explique-t-il.

S'il veut diversifier son approvisionnement énergétique, le Québec devrait se construire une centrale au gaz naturel plutôt qu'une centrale nucléaire, estime Jean-Thomas Bernard. «Avec le bas prix actuel du gaz naturel, qui risque de se maintenir longtemps, c'est le plus économique», explique-t-il.

Le professeur Bernard était favorable à la réfection de la centrale nucléaire de Bécancour, mais la baisse constante du prix du gaz naturel et l'incertitude entourant le coût de l'opération l'ont fait changer d'avis.

Marcel Lacroix est d'accord, du moins en partie. «Aujourd'hui, si j'avais le choix entre le nucléaire et le gaz naturel, je choisirais le gaz naturel, dit-il. Le problème c'est que le prix du gaz fluctue beaucoup. Une centrale nucléaire coûte plus cher à construire, mais moins cher à exploiter».