Le monde subit un nouveau choc pétrolier «rampant», les prix du brut ayant atteint des records annuels en 2011 et allant se maintenir à des niveaux très élevés en 2012, selon le bilan annuel de l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles.

«Le monde a été confronté en 2011 à un véritable choc pétrolier rampant, et en 2012 le marché devrait rester tendu», a estimé mardi au cours d'une conférence de presse Olivier Appert, président de l'IFP Energies nouvelles.

Il a souligné qu'à 111 dollars US le baril en moyenne l'an dernier, le prix du Brent était supérieur de 30 dollars à la moyenne annuelle de 2008, lorsque le brut avait culminé en cours d'année à plus de 147 dollars. De plus, il a dépassé en monnaie constante le record annuel historique atteint en 1980, lors du deuxième choc pétrolier, qui était de 98 dollars le baril.

Cette envolée est liée selon M. Appert à un double effet : les pressions sur la demande se sont poursuivies malgré les difficultés économiques, et se sont conjuguées aux effets des tensions géopolitiques liées au printemps arabe.

Pour 2012, l'ex-IFP, organisme public de recherche sur l'énergie, voit deux tendances contradictoires à l'oeuvre, qui risquent de se contrebalancer et de maintenir du coup les cours à des niveaux très élevés.

D'un côté, l'affaiblissement de la croissance dans l'OCDE devrait peser en faveur de corrections baissières, mais de l'autre, les incertitudes géopolitiques (et notamment l'embargo européen sur le pétrole iranien) vont tirer les cours à la hausse.

L'IFP Energies nouvelles table donc dans son scénario central sur un prix du baril qui devrait osciller entre 100 et 120 dollars.

Il a par ailleurs établi deux scénarios alternatifs: l'un verrait le brut grimper à plus de 120 dollars en cas de fortes tensions au Moyen-Orient, et l'autre le verrait au contraire redescendre entre 80 et 100 dollars, si la croissance mondiale était fortement affectée par la crise qui secoue les pays occidentaux.

Concernant l'embargo européen sur l'Iran, M. Appert estime que ses effets sur le marché pétrolier seront en partie compensés par une augmentation de la production d'autres pays, notamment l'Arabie Saoudite. Mais cela réduira fortement les capacités de production non utilisées, ce qui risque d'avoir des «effets psychologiques» sur le marché.

Quant à la menace agitée par Téhéran d'un blocage du détroit d'Ormuz, par où transite une large part des exportations mondiales de pétrole, il a rappelé un précédent intervenu lors de la guerre Iran-Irak à la fin des années 1980.

Les pays occidentaux avaient dû protéger militairement des navires pétroliers circulant dans la zone. Cela n'avait eu pratiquement pas d'impact sur les cours, «mais le marché n'était pas tendu» à cette époque, a-t-il rappelé.

Concernant le marché gazier, l'institut a souligné que 2011 avait confirmé la déconnexion entre les principaux marchés.

Les prix des contrats d'approvisionnement à long terme en Europe ont grimpé de 37%, dans le sillage des prix du pétrole, et les cours ont été soutenus en Asie par la catastrophe nucléaire de Fukushima, qui a forcé brutalement le Japon à augmenter ses importations de gaz naturel pour compenser l'arrêt de la plupart de ses réacteurs.

À l'inverse, les prix ont poursuivi leur dégringolade aux États-Unis, à cause du développement spectaculaire de l'exploitation des gaz de schiste, le pays étant même désormais en passe de devenir exportateur net de gaz naturel.