Même si elle génère beaucoup d'informations inédites sur le fond des mers, la nouvelle cadence de l'activité minière sous-marine suscite la crainte de plusieurs scientifiques, selon qui les connaissances environnementales et les politiques de conservation ne suivent pas le rythme.

Dans une lettre publiée dans Nature en février 2011, Cindy Lee Van Dover, professeure à l'Université Duke et consultante pour Nautilus, a insisté sur la nécessité d'établir des politiques de conservation avant que l'activité minière sous-marine ne se généralise.

Les politiques nationales et internationales peuvent être arbitraires et incohérentes, note-t-elle. Elle remarque que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) considère les sources hydrothermales comme des écosystèmes vulnérable devant être protégés de la pêche. Mais l'activité minière, qui provoque la destruction de ces écosystèmes, est permise.

Selon la spécialiste de l'environnement océanique, nos connaissances des fonds marins et notre capacité à prédire et mitiger les impacts ne sont pas suffisantes pour soutenir une activité minière étendue. Si le projet de Nautilus va de l'avant, suggère-t-elle, il faudrait prendre le temps de voir comment l'écosystème réagit et comment fonctionneront les stratégies de mitigation de la compagnie avant d'aller plus loin.

Incertitude des impacts

Cette incertitude autour des impacts à long terme inquiète des groupes de défense de l'environnement. Le rapport Out of our depth, commandité par Mines Alerte Canada et un organisme environnementaliste de Papouasie-Nouvelle-Guinée, est très critique du projet de Nautilus.

Selon le rapport, il est tout simplement impossible de prédire les impacts du projet. Comment alors s'assurer de l'efficacité des stratégies d'atténuation de Nautilus, demande en somme l'auteure du rapport.

Le rapport soutient que les risques pour l'environnement et la santé des populations côtières, dans les phases d'exploitation ou de transport, sont inacceptables au regard des faibles bénéfices pour la communauté. L'auteur affirme aussi que les données environnementales sont insuffisantes pour assurer un réel suivi des impacts du projet.

Le président et chef de la direction de Nautilus, Stephen Rogers, rappelle de son côté que l'entreprise travaille depuis le début du projet avec une équipe de scientifiques indépendants.

«L'impact sera minimal, à peu près 1 ou 2% de ce qu'il serait sur le continent, se défend-il. Nous avons une bonne compréhension du milieu. On a accumulé des données dans les dernières années. Ce n'est pas exhaustif, j'en conviens, mais c'est également le cas pour les mines sur terre.»

Certes, un écosystème sera détruit et le sol de monticules deviendra plat. Nautilus conservera intactes des zones de refuge pour faciliter la réhabilitation du site et la survie des espèces animales uniques à ce milieu, comme des gastropodes, crevettes ou autres crabes.

Une série de biologistes interrogés par la revue New Scientist se sont dits impressionnés par l'étude d'impact de Nautilus, mais ils demeurent prudents face à l'expansion de l'activité minière, lit-on dans un article publié cet été.

Professeur en géologie marine à l'Institut des sciences de la mer de Rimouski, André Rochon est plus catégorique: «Ce sont des écosystèmes extrêmement fragiles et si on les détruit, c'est à peu près certain qu'ils ne récupéreront pas.»