L'industrie du bois d'oeuvre aux États-Unis montre de nouveau des signes d'impatience qui pourraient éventuellement provoquer un autre conflit commercial avec le Canada.

Déjà affaiblie par la grave crise immobilière qui frappe les États-Unis depuis 2008, la US Lumber Coalition estime que le Canada et les provinces peuvent éviter un nouveau conflit s'ils respectent l'esprit et la lettre de l'accord sur le bois d'oeuvre conclu entre Ottawa et Washington, en 2006.

Selon les dirigeants de cette coalition, le Canada n'a pas respecté ses obligations en vertu de cet accord, en permettant aux provinces d'établir des programmes de soutien à leur industrie forestière. Ces programmes, selon eux, donnent un avantage concurrentiel injuste aux entreprises canadiennes qui exportent leur bois sur le marché américain.

«Le gouvernement demeure lourdement engagé pour soutenir l'industrie [au Canada] et les produits de cette industrie se retrouvent dans un marché où le gouvernement ne joue aucun rôle», a affirmé à La Presse Zoltan van Heyningen, chef de la direction de la US Lumber Coalition.

«C'est la réalité des choses. La question qui se pose maintenant est de savoir comment nous pouvons faire en sorte que ces deux régimes coexistent. Il y a de la place pour le bois d'oeuvre canadien aux États-Unis. Mais il faut le faire d'une manière qui soit équitable autant pour l'industrie canadienne que pour l'industrie américaine», a-t-il ajouté.

Le Canada et les États-Unis ont conclu un accord sur le bois d'oeuvre en 2006, après un long conflit de quatre ans. En vertu de cet accord d'une durée de sept ans, les États-Unis ont accepté de mettre fin aux droits compensateurs de plus de 20% sur le bois d'oeuvre canadien. En échange, le Canada a accepté d'imposer une taxe si le prix du bois chutait sous le seuil de 335$US pour 1000 pieds linéaires. Cette taxe variait de 2% à 5% pour le Québec et de 5% à 15% pour la Colombie-Britannique, qui exporte plus de 55% du bois canadien.

Bataille judiciaire

Cette entente a permis au Canada de récupérer 4 milliards de dollars sur les 5,3 milliards de dollars perçus par les États-Unis. Mais cela n'a pas empêché Washington d'accuser les provinces d'offrir de nouvelles formes d'aide aux producteurs forestiers.

Les autorités américaines ont d'ailleurs contesté devant la Cour d'arbitrage international de Londres des programmes de soutien mis en oeuvre par le Québec et l'Ontario pour leur industrie forestière en 2007. Les États-Unis ont gagné leur cause et le Canada a été obligé, en janvier dernier, d'imposer une nouvelle taxe à l'exportation équivalant à environ 60 millions de dollars par année jusqu'à la fin de l'accord.

Washington a repris la voie des tribunaux l'an dernier en accusant la Colombie-Britannique de subventionner illégalement ses producteurs forestiers, ce qui leur permettrait d'inonder le marché américain de bois moins coûteux. Une décision devrait être rendue au cours des prochaines semaines.

«En général, l'accord a fonctionné. Mais si cela a fonctionné, c'est parce que nous sommes allés devant les tribunaux pour obtenir compensation», a affirmé M. van Heyningen, ajoutant que le libre-échange, «cela veut dire aussi un commerce équitable».

Pour le moment, l'industrie américaine est ouverte à l'idée de prolonger de deux ans l'accord actuel, comme le permet une clause de renouvellement. Ottawa et Washington devraient confirmer la prolongation de l'accord au début de cette année.

Mais si l'industrie américaine est prête à le faire, c'est que le contexte économique l'empêche de jeter les gants dans deux ans pour obtenir une meilleure entente, ou d'entreprendre une guérilla judiciaire.

«Le marché de l'immobilier aux États-Unis est dans un état terrible. C'est pour cela que dans cet environnement, il faut se demander s'il est possible de négocier quelque chose à long terme quand nous sommes au pied du mur», a conclu le chef de la direction de la US Lumber Coalition.