Après une longue gestation, le Plan Nord de Jean Charest a finalement vu le jour en 2011. Le gouvernement ne dispose plus que de quelques années pour en faire un réel succès.

«Le créneau dans le temps est court, très court», avertit Michel Gauthier, qui enseigne la prospection minière à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

«On peut avoir l'illusion que ça va durer et qu'il y aura toujours une demande pour nos ressources, mais nous faisons face à une concurrence mondiale et les autres pays ne dorment pas sur la «switch'! C'est une course au premier qui va satisfaire les besoins», ajoute celui qui a reproché à M. Charest d'avoir accouché d'un projet trop «timoré».

L'appétit des pays émergents - plus particulièrement la Chine - pour les ressources naturelles demeure grand, mais il diminuera graduellement avec la mise en service de plusieurs mines au cours des prochaines années, note M. Gauthier. Selon lui, la «fenêtre d'opportunité» dont jouit le Plan Nord ne dépasse pas cinq ans.

Ce n'est pas long quand on songe que la première évocation du Plan Nord par Jean Charest remonte à août 2006, lors d'un voyage sur la Côte-Nord.

Il aura donc fallu près de cinq ans pour que le projet, qui vise à accélérer le développement du territoire situé au nord du 49e parallèle, prenne forme. Lors son dévoilement officiel, au début mai, on a voulu frapper l'imaginaire en faisant état d'investissements de 80 milliards $ sur 25 ans. Il faut dire que plus de la moitié des sommes - 47 milliards $ - doit provenir d'Hydro-Québec.

Annonces, missions et controverse

Afin de donner de l'impulsion au Plan Nord, M. Charest s'est empressé de participer à l'annonce de trois projets miniers majeurs: un investissement de 2,1 milliards $ d'ArcelorMittal (mont Wright et Port-Cartier), un autre de 800 millions $ de Rio Tinto à Havre-Saint-Pierre et celui de 511 millions $ pour mettre en place la mine de diamant Stornoway à la baie James.

Le premier ministre n'a pas manqué, non plus, de multiplier les voyages à l'étranger afin de vanter les mérites du Plan Nord. En quelques mois à peine, il s'est rendu aux États-Unis, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne, en Chine et au Japon. Pour l'instant, aucune retombée concrète de ces missions n'a été annoncée.

Au cours de l'automne, ce sont surtout les critiques du Plan Nord qui ont retenu l'attention, plus particulièrement l'intervention fort médiatisée de Jacques Parizeau. Sans rejeter en bloc le projet, l'ancien premier ministre a dit craindre que celui-ci ne devienne un «bar ouvert» pour les minières, en raison notamment de l'engagement de Québec d'investir 1,2 milliard $ d'ici 2016 dans le développement des infrastructures du Nord.

Jean Charest a rétorqué que le gouvernement prendrait «les mesures nécessaires» pour s'assurer que le développement du Nord soit «ordonné» et qu'il ne se transforme pas en gouffre pour les finances publiques, sans toutefois donner plus de précisions.

Environnement

Le volet environnemental du Plan Nord a également soulevé la controverse. Le gouvernement a promis de protéger de toute exploitation la moitié du territoire visé par le projet, mais en octobre, le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, a suscité des craintes en avançant la possibilité que des mines puissent s'installer dans des zones de conservation.

M. Charest a tenté de calmer le jeu en affirmant que l'exploitation minière allait être exclue des zones protégées, mais pas nécessairement les activités forestières. Tout le concept reste à préciser dans un projet de loi qui pourrait être déposé en 2012.

Suzanne Méthot, de l'Initiative boréale canadienne, soutient qu'environ 20 pour cent du territoire du Plan Nord pourrait déjà être déclaré zone protégée en raison de la présence d'habitats naturels uniques. On pense notamment aux secteurs où vivent des espèces vulnérables comme le caribou forestier ou le phoque d'eau douce.

«Au même titre qu'une minière peut obtenir un «claim» (titre d'exploration) sur un terrain parce qu'elle suspecte qu'il y a là un potentiel de développement, on devrait être en mesure d'obtenir un «claim» de protection pour accorder tout de suite un statut à une zone sensible, dit-elle. Le défi, ce sera de gérer les conflits d'usages là où il y en aura.»

Mme Méthot ne croit pas que ces conflits seront nombreux. Mais ceux qui surgiront pourraient être déchirants. Que faire par exemple si l'on découvre un immense gisement d'or dans un habitat fragile?

«Il est important de ne pas stériliser le potentiel géologique parce qu'on ne sait pas encore tout ce qu'il y a dans ce territoire-là. Il ne faut pas se pénaliser à l'avance en limitant les découvertes qu'on pourrait faire», prévient Dominique Dionne, présidente du conseil d'administration de l'Association minière du Québec et vice-présidente chez Xstrata Nickel.

«L'industrie minière est tout à fait consciente qu'il va devoir y avoir des régions où les activités industrielles seront limitées, mais ça devra se faire sur la base de connaissances scientifiques poussées et un bon dialogue», poursuit-elle.

Contrairement à d'autres groupes écologistes, l'Initiative boréale, largement financée par la fondation américaine Pew, fait le pari que le Plan Nord pourrait avoir un impact positif pour le Québec, y compris pour les autochtones.

«On peut avoir peur qu'un gros bulldozer chinois passe sur le territoire du Plan Nord, ça c'est clair, reconnaît Suzanne Méthot. Mais en même temps, on ne peut pas nier les besoins criants de logement, d'éducation et d'emploi qui persistent dans chaque communauté du Nord. C'est pour ça que si un gouvernement met les projecteurs sur cette région-là, tant mieux. Arrangeons-nous seulement pour que ça se fasse bien.»