La demande mondiale pour les métaux est au rendez-vous. Le potentiel du sous-sol québécois ne fait plus de doutes. Sauf qu'il manque un bon joueur de centre pour compléter le premier trio de l'exploration minière québécois, d'après plusieurs voix entendues dans le milieu: des entrepreneurs d'ici.

Le constat est brutal, compte tenu de la population de la province et de la richesse de son territoire: au 30 septembre, seulement 89 des quelque 1250 sociétés minières cotées au TSX et au TSX Croissance étaient québécoises (7%). Depuis janvier 2009, sur environ 450 nouvelles inscriptions de minières sur les deux bourses, seulement 17 provenaient du Québec (4%).

«Ça ne me fait pas plaisir de dire cela, mais il manque d'entrepreneurs», a affirmé le président et chef de la direction de Ressources Géoméga, Simon Britt. Lui-même entrepreneur dans la trentaine, M. Britt participait à un panel au congrès Québec Exploration 2011, dans la Vieille Capitale.

Dans une récente entrevue à La Presse Affaires, le directeur des investissements en ressources naturelles au Fonds de solidarité FTQ, Dany Pelletier, sonnait aussi l'alarme. Et d'après Michel Gauthier, professeur en prospection minière à l'UQÀM et président d'honneur du congrès, les conséquences de l'absence des entrepreneurs d'ici sont prévisibles. «S'il n'y pas d'entrepreneurs, il n'y aura pas de compagnies, il n'y aura pas d'histoires à succès comme Virginia et Osisko.»

Selon M. Gauthier, avoir des entrepreneurs québécois est un moyen de tirer profit à long terme du secteur minier. «Les multinationales (principalement britanniques) et les sociétés d'État étrangères dominent le secteur, constatent-ils. Il est très important d'avoir des entrepreneurs d'ici, qui créent du dynamisme, et d'avoir une certaine mainmise ici.»

En plus, soutient M. Gauthier, les entrepreneurs locaux ont davantage tendance à faire affaire avec des firmes d'ici pour les services et le soutien. «Cela crée un tissu, une grappe industrielle et un savoir exportable.»

Une chaire de recherche

Le problème est assez sérieux pour que l'UQAM et l'UQAT (Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue) créent il y a quelques jours une chaire de recherche en entrepreneuriat minier, «manifestation concrète de la volonté des deux institutions d'accroître la participation québécoise dans l'industrie minière». Le ministère des Ressources naturelles du Québec y consacrera 750 000$ sur cinq ans.

«Nous voulons essayer d'aller chercher un enrichissement collectif, apporter des conditions gagnantes pour amener des nouvelles sociétés d'exploration», a résumé Suzanne Durand, codirectrice de la chaire et professeure en sciences de la gestion à l'UQAT, croisée au congrès québécois.

On ne connaît pas les causes exactes de ce manque d'entrepreneurs. Les gens du milieu s'entendent pour dire que le nombre d'investisseurs dans le secteur minier est beaucoup moins élevé au Québec qu'en Ontario ou en Colombie-Britannique. Le départ de la Bourse de Montréal a nui à la recherche de financement des Québécois qui veulent tenter leur chance, a avancé Glenn Mullan, président-directeur général des Mines de la Vallée de l'Or.

Aussi, la mise en place du jalonnement par carte (par internet), a permis «aux avocats et comptables de Vancouver» d'obtenir facilement des titres miniers québécois à partir de leur bureau, a ajouté M. Mullan. Cela a porté un dur coup aux prospecteurs qui foulaient le territoire pour le jalonner.

Des pistes de solutions sont évoquées. Simon Britt, de Géoméga, lance l'idée d'un programme de parrainage pour les nouveaux entrepreneurs, pour faciliter le démarrage et l'entrée en Bourse. Pour Philippe Cloutier, président et chef de la direction de Ressources Cartier, il faut créer une relève dans le secteur financier, afin de multiplier le nombre d'investisseurs prêts à soutenir les petites sociétés minières québécoises. Pour attirer l'attention de potentiels entrepreneurs, il faut aussi parler davantage des exemples de succès comme Osisko, affirme Glenn Mullan.