L'industrie minière traîne comme un boulet les centaines de mines abandonnées partout au Québec par des sociétés négligentes ou en faillite. Les choses changent et des sociétés s'appliquent à bien faire les choses, comme à la mine Troilus. Ce qui n'empêche pas l'État d'hériter encore aujourd'hui de terrains inquiétants, comme à l'île Merrill, près de Chibougamau. En 2011 coexistent toujours le beau et le moins beau de l'industrie minière.

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Un camion avance à pas de tortue, traînant sur sa remorque un bâtiment trois fois plus large que le véhicule. C'est le symbole que la fin est proche pour la mine Troilus, à 150 kilomètres au nord de Chibougamau: section par section, le camp qui hébergeait les mineurs prend la route de la future mine Eleonore, à la Baie-James, pour laquelle Goldcorp a racheté les installations de Troilus.

Même s'il n'y a plus d'activité minière à Troilus depuis la mi-2010 et que les camps prennent le large, il y a encore une vingtaine de travailleurs qui s'activent sur le terrain. Fabien Gaudreault, technicien en environnement, est du nombre. Son travail: restaurer le terrain et le rendre au milieu naturel.

Pendant 13 ans, la société torontoise Inmet Mining a extrait de la mine Troilus près de 210 millions de tonnes de roche. Elle a produit 2 millions d'onces d'or et 155 millions de livres de cuivre à partir des deux fosses de la mine, située à l'ouest du lac Mistassini.

Inmet a cessé d'extraire du minerai en 2009. «À la fin, la machinerie peinait à se croiser dans le fond de la fosse principale», explique M. Gaudreault», à la mine depuis sept ans.

Avec les représentants de La Presse Affaires, il fait quelques pas dans la descente de la fosse principale, gigantesque trou d'un kilomètre de long sur 600 mètres de large, et d'une profondeur de 320 mètres.

On ne peut plus voir le fond de la fosse, que l'eau - devenue d'un vert éclatant au contact des minéraux - a déjà commencé à remplir. Sur une paroi du trou, un tunnel condamné rappelle l'espoir déçu d'une exploitation en souterrain.

L'usine de Troilus a continué à traiter les montagnes de minerai à basse teneur jusqu'en juin 2010. Par la suite, Inmet s'est consacrée à la restauration du terrain, entreprise en 2007 et qui se terminera à la fin de l'été 2012. Une affaire d'environ 20 millions de dollars.

Au moment du passage de La Presse Affaires, en août, l'usine de traitement était démantelée. Restaient au sol quelques éléments de fondation qui seront enterrés parce qu'ils ne représentent pas de risque environnemental.

Un véhicule de machinerie pompe le sable à un endroit où il y avait eu contamination au cyanure au début de la vie de la mine - la cyanuration a été remplacée en cours de route.

Un peu plus loin, on a excavé le sol à un endroit où on a décelé des résidus de cuivre. Une tranchée est creusée là où se trouvait auparavant une conduite. À deux pas de là, on a déterré du sol et démantelé quatre citernes de 50 000 litres d'essence. «On vérifie chaque parcelle de terrain pour s'assurer qu'il n'y ait pas de contamination», dit Fabien Gaudreault.

Rendre à la nature

Autour des deux fosses de Troilus s'étendent des montagnes de roche stérile. «On ne peut pas cacher les montagnes, mais on peut les revégétaliser, souligne Fabien Gaudreault. Tout était prévu dès l'ouverture de la mine.»

La moraine, qui se trouvait à l'origine à la surface des fosses, est réutilisée pour étendre sur les haldes et favoriser la revégétalisation. L'équipe a semé 12 espèces de plante.

Ce qui facilite les choses, contrairement à d'autres terrains problématiques, c'est que ce sont des roches sans potentiel de génération acide.

Ici et là battent au vent de la verdure, des fleurs jaunes, des plantes beiges. Tranquillement, la nature reprend sa place. «C'est ce qui est le plus intéressant, souligne Fabien Gaudreault à propos de son travail. On dit merci et on redonne ses droits à la nature.»

Certes, le terrain ne retournera pas à son état original. La fosse deviendra un lac, et les montagnes artificielles feront partie du paysage à jamais.

Théoriquement, il serait possible de remblayer la fosse avec la roche stérile. «C'est une question économique, ce serait trop long et trop coûteux», soutient Fabien Gaudreault en rappelant qu'il a fallu 13 ans pour creuser la fosse principale. Dans les derniers temps, alors que la fosse secondaire n'était plus exploitée, Inmet a toutefois pu y verser la roche stérile au fur et à mesure qu'elle l'extrayait de la fosse principale.

La chasse à l'outarde

Au sud de l'exploitation se trouve le parc à résidus, une mer de fine terre grise de 30 mètres d'épaisseur qui s'étend sur 300 hectares. La moitié est revégétalisée jusqu'à maintenant. Il faut arroser souvent la surface pour favoriser la pousse des végétaux et empêcher le vent de soulever la poussière.

Une digue construite sur un parement de 30 mètres de large empêche l'eau de s'écouler sur tout un côté du parc. Elle est plutôt drainée vers une extrémité du parc, d'où elle est acheminée vers un petit poste de traitement des eaux.

Pendant cinq ans après la fermeture de l'exploitation, il faudra faire le suivi du parc à résidus pour s'assurer que les normes de métaux et de matières en suspension dans l'eau soient respectées. Par la suite, le poste de traitement des eaux sera démantelé, comme le poste électrique de la mine.

Une fois la restauration terminée, la famille crie Awashish, qui détient les droits de trappe sur le terrain, en reprendra le contrôle. Elle voudrait profiter des grandes aires ouvertes créées par l'activité minière afin de transformer le lieu en pourvoirie pour la chasse à l'outarde.

Déjà, les bernaches du Canada crèchent sur le site à l'automne et au printemps, raconte Fabien Gaudreault. La nuit, elles dorment dans la fosse, tandis que le jour, elles partent sur les haldes à la recherche de nourriture.

«Je peux me promener la tête haute, je n'ai rien à cacher, dit l'employé qui devra se trouver un autre boulot quand la vie de Troilus sera bel et bien arrivée à son terme. Je suis bien fier, en tant qu'environnementaliste.»

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CLAVARDAGE

Pour en savoir plus sur l'environnement, les mines et la restauration des sites, La Presse Affaires tient un clavardage ce midi en compagnie de Jean-Claude Belles-Isles, directeur - Environnement à l'Association minière du Québec, et Ugo Lapointe, porte-parolede la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.

Venez poser vos questions en ligne, entre 12h15et 13h15, sur lapresseaffaires.com/clavardage.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

À la mine Troilus, les montagnes de débris stériles sont revégétalisées.