Des milliers de mégawatts d'hydroélectricité ignorés par Hydro-Québec pourraient être développés par les municipalités en partenariat avec le privé pour attirer des investissements et stimuler l'économie locale et régionale.

C'est ce que propose un ancien employé d'Hydro, Pierre Gingras, qui évalue à entre 3000 et 5000 mégawatts ce potentiel laissé pour compte. C'est autant d'énergie que la centrale Robert-Bourassa, à la Baie-James.

Dans une note de recherche publiée hier par l'Institut économique de Montréal, celui que se présente comme un spécialiste en génie industriel et qui a travaillé pendant 31 ans pour la société d'État identifie une cinquantaine de projets de centrales potentielles. Certaines seraient situées aussi près que sur le canal de Lachine, à Montréal, d'autres sont à Gatineau, au Saguenay et ailleurs au Québec.

Hydro-Québec connaît très bien le potentiel hydroélectrique qui reste à développer au Québec, mais l'entreprise estime qu'il ne serait pas rentable de réaliser les projets dont parle M. Gingras.

«On connaît ces emplacements-là et on les suit, a expliqué hier la porte-parole, Marie-Hélène Devault. Si on ne va pas de l'avant, c'est parce qu'aucun ne respecte les conditions de rentabilité économique, d'acceptabilité sociale et d'acceptabilité environnementale.»

La proximité est le principal avantage de ces projets, a expliqué l'auteur de la recherche au cours d'un entretien avec La Presse Affaires. «On peut s'en servir pour développer des activités industrielles, immobilières et récréotouristiques intéressantes», a-t-il expliqué.

Il donne l'exemple de l'emplacement des Rapides Spicer, à Drummondville, qui pourrait alimenter une centrale de 65 mégawatts. En inondant une partie du territoire pour construire un réservoir, on pourrait attirer sur les rives de ce réservoir un lotissement de 350 propriétés. «À une valeur moyenne de 400 000$ par propriété, ça signifie un investissement de 140 millions pour la région.»

Pierre Gingras souligne que plusieurs villes dépourvues de lacs naturels, comme Sainte-Agathe-des-Monts et Sainte-Marguerite-de-l'Estérel, doivent leur vitalité aux activités de villégiature créées par le développement hydroélectrique sur la Rivière du Nord.

Même si ces projets sont situés plus près des lieux habités et à proximité du réseau de transport d'Hydro-Québec, l'électricité qu'ils produiraient serait plus coûteuse que celle provenant des grosses centrales.

Le prix serait de 10 à 12 cents le kilowattheure, estime-t-il. C'est encore plus cher que les projets d'Hydro-Québec en construction, comme la Romaine. Il s'agit quand même d'un coût concurrentiel sur certains marchés, plaide l'auteur de la recherche, notamment en Ontario qui est prêt à payer encore plus que ça pour de l'énergie verte.

Actuellement, seuls les projets de 50 mégawatts et moins peuvent être développés par l'entreprise privée. Hydro se réserve le droit exclusif de développer les projets de plus de 50 mégawatts. Pour que l'entreprise privée soit autorisée à construire une centrale, il faut en outre qu'Hydro accepte d'acheter l'énergie produite, puisque la société d'État jouit d'un monopole sur le transport et la distribution de l'électricité.

Selon Pierre Gingras, les municipalités pourraient développer ces projets à meilleur coût qu'Hydro-Québec et les faire accepter plus facilement par la communauté.

Les surplus d'électricité qui existent actuellement ne doivent pas freiner le développement de nouvelles centrales, selon lui. «Personne, à ma connaissance, ne s'est jamais plaint de l'existence de surplus d'énergie propre et renouvelable», dit-il.