Après avoir échoué à développer des activités de transformation de leurs lingots, les alumineries du Québec ont changé leur angle d'attaque. Elles visent maintenant à augmenter le contenu en aluminium dans les autobus, les métros et le secteur du transport en général, ponts compris!

Il ne faut toutefois pas rêver à un futur pont Champlain fait d'aluminium du Québec, a prévenu hier le porte-parole des alumineries présentes au Québec, Jean Simard. Le métal gris serait toutefois le matériau idéal, selon lui, pour faire des tabliers de ponts et des viaducs de 20 à 30 mètres de long.

L'industrie, qui veut investir 15 milliards de dollars dans la modernisation et l'expansion de ses usines du Québec d'ici 10 ans, aura besoin de beaucoup d'énergie à bon prix pour mener à bien ces projets et rester concurrentielle. En travaillant à augmenter l'utilisation de l'aluminium dans le secteur du transport, elle espère rester dans les bonnes grâces du gouvernement du Québec et continuer d'avoir accès à de l'électricité à bon prix.

Rio Tinto Alcan, Alcoa et le consortium Alouette, qui forment l'Association de l'aluminium du Canada, annonceront bientôt une contribution financière «significative», selon leur porte-parole, dans la promotion de ces nouvelles applications pour l'aluminium.

Le terrain est encore peu occupé. L'industrie évalue que 250 000 ponts aux États-Unis et 3000 au Québec pourraient être refaits en partie en aluminium.

Les paralumes (ces cloisons qui tamisent la lumière à la sortie des tunnels) sont encore faits de béton. «C'est comme avoir des stores en fer forgé dans une chambre à coucher», a illustré Jean Simard.

S'il joue bien ses cartes et, surtout, s'il agit rapidement, le Québec peut être à l'origine d'une nouvelle industrie de transformation de l'aluminium dans les infrastructures de transport, ont assuré les grands patrons des trois entreprises, Pierre Morin, d'Alcoa Canada, Jean Simon, de Rio Tinto Alcan, et André Martel, d'Aluminerie Alouette, au cours d'une table ronde organisée par la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain.

En retard

L'industrie de l'aluminium entend ouvrir les horizons des ingénieurs et des architectes du Québec sur les applications de l'aluminium, ce que les universités ne leur enseignent toujours pas. «On a de l'ouvrage», a reconnu le président d'Alcoa Canada, Pierre Morin.

Il y a aussi du retard à combler. L'aluminium aurait pu faire une percée importante à l'occasion du remplacement des voitures du métro de Montréal, qui seront faites en acier, comme les précédentes. Bombardier et Alstom, qui les fabriqueront, utilisent pourtant de l'aluminium pour toutes les voitures de métro qu'ils font pour l'Europe.

Il est trop tard pour le métro de Montréal, a reconnu le porte-parole de l'industrie, mais les dernières voitures qui seront livrées en vertu de ce contrat contiendront quelques éléments d'aluminium, a-t-il dit.

La fabrication d'autobus est plus prometteuse. Il faudra tout de même travailler beaucoup pour que l'aluminium, qui coûte plus cher que l'acier, soit apprécié dans les appels d'offres pour ses avantages comme la légèreté et les économies de carburant.

«La façon de penser l'appel d'offres doit changer pour tenir compte du cycle de vie du produit», a résumé Jean Simard.

Selon lui, le Québec dispose de 10 ans, au maximum, pour passer de la théorie à la pratique et se faire une place dans ces nouveaux marchés.