Une brèche s'est ouverte dans le bouclier jusque là rutilant de la valeur refuge par excellence: le cours de l'or a abandonné jusqu'à 9% de sa valeur cette semaine, incapable de profiter de la débâcle des marchés boursiers en raison d'un vif renchérissement du dollar américain.

Des Bourses en pleine débâcle, une pluie d'indicateurs macroéconomiques décevants, un avertissement de la Réserve fédérale américaine (Fed) sur les risques menaçant la reprise, ou encore l'aggravation de la crise des dettes européennes: un cocktail de facteurs négatifs a priori très favorable à l'or.

Pourtant, le métal jaune, qui a commencé la semaine autour de 1.828 dollars l'once, a dégringolé violemment jeudi et vendredi, descendant jusqu'à 1666 dollars, son niveau le plus faible depuis début août - et très loin de son pic historique à 1921 dollars enregistré le 6 septembre.

«Alors que les investisseurs fuyaient massivement les actifs jugés à risque (euro, Bourses, matières premières), l'or a réagi au fort renchérissement du dollar», qui s'est envolé à son plus haut niveau depuis huit mois face à l'euro, a expliqué à l'AFP Ross Norman, analyste du courtier spécialisé Sharps Pixley.

Les achats d'or sont libellés en dollar: le raffermissement du billet vert rend donc moins attractifs les achats d'or pour les investisseurs détenant d'autres devises, tandis que les détenteurs de lingots d'or les voient perdre de leur valeur (marchande) dès lors que le dollar s'envole.

«Cela peut inciter investisseurs et fonds à se désengager du marché de l'or, engrangeant quelques bénéfices et des liquidités pour faire face à leurs pertes sur les marchés boursiers» en déroute, poursuivait M. Norman.

«Cela amène à se demander si l'or est vraiment capable de garder son statut de valeur refuge quand les problèmes économiques conduit à une envolée du dollar contre toutes les autres devises - une tendance que la crise en zone euro risque de conforter», commentait Julian Jessop, de l'institut Capital Economics.

Un facteur technique a pu également accélérer la brusque disgrâce du métal jaune.

«Les métaux industriels, l'argent et le platine se sont effondrés en raison de la morosité des perspectives économiques. Or, ils sont associés à l'or dans le calcul d'indices de référence (comme le GSCI de Goldman Sachs, utilisé au sein de produits financiers). L'or souffre donc à l'unisson des autres métaux», a noté M. Norman.

Pour les délégués présents cette semaine à Montréal, lors de la conférence annuelle du LBMA (opérateur du marché londonien des métaux précieux), l'or ne devrait cependant pas tarder à retrouver de son éclat.

«Les professionnels présents à Montréal tablent en moyenne sur un cours de 2019 dollars l'once en novembre 2012. L'or devrait rester soutenu par les incertitudes économique, la crise européenne et l'instabilité des marchés financiers», rapportait Suki Cooper, analyste chez Barclays Capital.

Par ailleurs, «les taux d'intérêt très bas entretenus par la Fed rendent plus attractive la possession d'or», considéré comme une réserve de valeur et un bon bouclier contre les tendances inflationnistes, faisaient valoir de leur côté les experts de Commerzbank.

Sur le London Bullion Market, l'once d'or a terminé vendredi à 1.689 dollars au fixing du soir contre 1794 une semaine auparavant.

L'argent, le platine et le palladium pâtissent

L'argent a pâti de son statut de métal précieux à usage industriel alors que s'avivent les inquiétudes sur les perspectives économiques mondiales. Son cours s'est effondré de 17% sur la semaine, à son plus bas niveau depuis mai.

L'once de métal gris a terminé vendredi à 32,90 dollars l'once contre 39,97 dollars sept jours auparavant.

Les platinoïdes, dont le principal débouché est l'industrie automobile, n'ont pas été épargnés par la défiance des investisseurs. Le platine est tombé vendredi à 1.626 dollars l'once, et le palladium à 641 dollars, leurs plus bas niveaux depuis la mi-novembre.

Sur le London Platinum and Palladium Market, l'once de platine a terminé vendredi à 1651 dollars contre 1798 dollars une semaine auparavant, soit une chute de 8%.

L'once de palladium a fini à 659 dollars contre 732 dollars sept jours plus tôt, un repli de près de 10%.