Du pétrole a été découvert pour la première fois au large de la Guyane, ont annoncé vendredi les groupes Total et Shell, donnant corps aux espoirs d'un nouvel eldorado suscités dans la région par le développement de l'exploitation de brut au Brésil voisin.

La découverte a été faite en eaux profondes (sous plus de 2000 mètres d'eau) sur le puits «Zaedyus» à environ 150 kilomètres au nord-est de Cayenne, ont annoncé les deux pétroliers dans des communiqués séparés.

Le forage, mené par la britannique Tullow Oil, y avait débuté en mars à la grande inquiétude des écologistes.

Un porte-parole de Total, qui détient 25% du champ, a confirmé à l'AFP qu'il s'agissait de la première découverte de pétrole au large du département d'outre-mer français.

«Ce forage est considéré comme à fort risque mais à fort enjeu», selon Total. En clair, les probabilités de découverte étaient jugées faibles mais avec un potentiel de production important.

Selon Shell, qui a la part principale dans le projet d'exploration (45%), il est encore trop tôt pour évaluer les réserves, mais les premiers résultats sont «encourageants».

La perspective de trouver du pétrole au large de la Guyane avait été renforcée par de récentes importantes découvertes au large des côtes sud-est du Brésil.

Les géologues présument que le sous-sol de la côte est de l'Amérique du Sud est similaire à celui riche en hydrocarbures du golfe de Guinée en Afrique, car les deux étaient reliées avant que les continents ne se forment et dérivent loin l'un de l'autre.

Le puits Zaedyus a été foré dans une structure géologique que l'opérateur Tullow espérait être un «miroir» du champ Jubilee au large du Ghana, où il a découvert quelque 1,4 milliard de barils de pétrole ces dernières années.

La France, qui s'est illustrée dans les années 70 par son slogan «On a pas de pétrole, mais on a des idées», tient-elle enfin son or noir? La Guyane, région et département d'outre-mer français dont le revenu par habitant est un des plus faibles de France, n'a jusque-là jamais produit de pétrole.

La production française de pétrole brut, déjà infime, est tombée ces dernières années à 20 000 barils par jour, selon l'UFIP, soit à peine 1% de la consommation hexagonale. Et Total a indiqué qu'il souhaitait s'en désengager...

Si Total et Shell se montrent prudents, les analystes pétroliers sont pleins d'espérance.

La découverte «ouvre un bassin entièrement nouveau», salue Bank of America (BofA)-Merrill Lynch dans une note. Pour la Royal Bank of Scotland, le résultat du forage «devrait probablement dépasser la plupart des attentes».

Tullow, Total et Shell ont déjà identifié six puits potentiels sur le champ Guyane maritime, relève BofA.

Tullow, associé cette fois à l'espagnol Repsol, doit lancer un autre forage en octobre dans les eaux guyanaises, a indiqué une porte-parole.

L'annonce de la découverte a fait bouger les cours des compagnies concernées: en fin de matinée, Tullow Oil s'envolait de plus de 11%, Total gagnait 0,22% dans un marché en forte baisse, tandis que Shell reculait de 0,32% mais faisait mieux que le Footsie londonien (-0,75%).

Mais l'espoir d'une nouvelle ressource guyanaise se heurte aux inquiétudes des écologistes, qui soulignent que le forage est très profond, à près de 6000 mètres sous la surface (2000 mètres d'eau puis 4000 m dans le sous-sol océanique).

La Guyane abrite un écosystème fragile avec notamment une partie de la plus grande barrière de mangroves au monde. Celle-ci serait un cauchemar à dépolluer en cas de marée noire similaire à celle provoquée par l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en avril 2010, soulignent les défenseurs de l'environnement.

Si Tullow Oil reconnaît que le forage guyanais est plus profond que Deepwater Horizon, il a affirmé au début du forage que «ce n'est pas un apprenti sorcier qui est à l'oeuvre» et qu'«il n'y a aucun point de comparaison» entre les techniques employées.