Certaines usines fonctionnent à l'hydroélectricité, d'autres utilisent le mazout pour faire tourner leurs installations. Mais la Laiterie Charlevoix est récemment devenue le seul établissement du Québec à combler ses besoins énergétiques... avec des résidus de lait.

Dans un audacieux pari de 3 millions de dollars, la fromagerie s'est dotée d'un système qui lui permettra de faire d'une pierre trois coups: se débarrasser d'un résidu industriel, produire sa propre électricité et propulser son image de marque.

«C'est un grand, très grand projet. Pour une entreprise comme la nôtre, qui a un chiffre d'affaires annuel de 5,5 millions, des investissements de 3 millions, c'est majeur», dit Bruno Labbé, directeur de projet à la Laiterie Charlevoix.

Ironiquement, ce sont les difficultés d'une autre industrie, celle du porc, qui a poussé la fromagerie à se lancer dans ce projet.

Il faut savoir que la transformation du lait en fromage produit du lactosérum, une substance que les fromageries doivent traiter avant de rejeter dans la nature.

Historiquement, la Laiterie Charlevoix se débarrassait de son lactosérum en l'envoyant aux producteurs de porcs, qui s'en servaient pour nourrir leurs bêtes.

«L'industrie du porc étant ce qu'elle est, on s'est rendu compte que les porcheries étaient des débouchés de moins en moins sûrs. Si on ne voulait par rester pris avec notre lactosérum, il fallait réagir», explique M. Labbé.

Tant qu'à faire un projet, la laiterie a décidé d'en faire un vrai. Première étape: construire un système capable de transformer le lactosérum en méthane, un biogaz qui peut ensuite être brûlé pour produire de l'énergie.

Conçu par Valbio Canada et Atis Technologies et lancé le 14 juin dernier, le système permet aujourd'hui de subvenir à l'ensemble des besoins énergétiques de la fromagerie. L'entreprise a ainsi pu dire adieu aux 65 000 litres de mazout qu'elle utilisait chaque année, sabrant du même coup sa facture énergétique et ses émissions de gaz à effet de serre.

Ouvert au public

Ce n'est pas tout. La transformation du lactosérum en méthane laissait quand même un sous-produit, que la Laiterie Charlevoix a également décidé de traiter de façon originale. Aujourd'hui, derrière la fromagerie se trouve une serre remplie de quenouilles, d'iris et de plantes tropicales. Les plantes s'alimentent à même le produit à nettoyer, rejetant une eau «presque potable» qui peut être retournée à l'environnement.

Plutôt que de cacher ses nouvelles installations, la Laiterie a décidé de les ouvrir au public.

«On offrait déjà des visites où on faisait découvrir aux gens comment on fait le fromage. Mais là, on crée encore plus d'intérêt. On est à Baie-Saint-Paul, dans une région très touristique. On a un comptoir de vente sur place et les visiteurs vont acheter des produits. Et quand ils vont revenir à Québec ou à Montréal, ils vont aussi avoir découvert notre entreprise et vont devenir des consommateurs réguliers», croit M. Labbé.

La Laiterie a bénéficié d'une subvention de 750 000$ de l'Agence de l'efficacité énergétique; le reste du capital a été emprunté à diverses institutions publiques et privées.

L'entreprise songe maintenant à enregistrer des crédits de carbone pour les émissions de gaz à effet de serre qu'elle n'émet plus dans l'atmosphère, ce qui pourrait l'aider à rembourser ses prêts plus rapidement.