Pendant que le groupe pétrolier britannique BP continue à se débattre avec les conséquences de la marée noire, son rival de toujours, le groupe anglo-néerlandais Royal Dutch Shell, creuse l'écart en multipliant les investissements dans les énergies alternatives au pétrole.

BP, dont la valeur boursière avait rattrapé celle de Shell juste avant la catastrophe du Golfe du Mexique en avril 2010, s'est depuis effondré de plus de 30% à la Bourse de Londres, tandis que Shell s'est au contraire apprécié de 6%.

Résultat, Shell distance à nouveau nettement son grand rival, avec une capitalisation boursière qui atteint 212 milliards de dollars, contre 131 milliards pour BP.

Cet écart s'explique avant tout par les déboires de BP aux États-Unis, et l'échec de son alliance stratégique avec le russe Rosneft. Mais pendant que son grand rival peine à rebondir, Shell ne s'est pas endormi sur ses lauriers et fait tout pour creuser l'écart, explique à l'AFP Richard Hunter, analyste de la maison de courtage Hargreaves Landsdown.

«Shell peut se concentrer sur le présent et l'avenir, alors que BP est en ce moment entravé par le passé. La stratégie de Shell, ses revenus élevés et récurrents et ses dividendes généreux (...) en font la préférée des deux grandes pétrolières britanniques pour le marché», résume-t-il.

Le groupe, qui est déjà l'un des principaux producteurs mondiaux de gaz naturel, met notamment le paquet en ce moment sur le GNL (gaz naturel liquéfié), une source d'énergie en plein développement car nettement moins polluante que le pétrole.

Le GNL est du gaz naturel transformé en liquide, ce qui permet de le transporter à l'autre bout de la planète par voie maritime.

Dans ce domaine, Shell a donné en mai le coup d'envoi d'un projet de construction d'une usine flottante de GNL au large des côtes australiennes, présentée comme révolutionnaire, et dont le coût est estimé par les analystes à plus de 10 milliards de dollars.

Shell investit également lourdement dans le GTL (gas-to-liquids), essence synthétique obtenue à partir du gaz naturel. Il a inauguré ce mois-ci Pearl, plus grande usine mondiale de GTL, située au Qatar. Cette installation géante  va à elle seule doper sa production annuelle de carburant de 8%.

Le groupe anglo-néerlandais a aussi lancé ce mois-ci Raizen, une coentreprise de biocarburant très ambitieuse qu'il a formée au brésil avec le groupe local Cosan. Elle va produire plus de deux milliards de litres par an d'éthanol à partir de la canne à sucre. La valeur de cette entreprise commune est estimée à 12 milliards de dollars.

Cette coentreprise est une initiative stratégique majeure pour Shell: en effet, c'est la première fois que le groupe, qui est déjà l'un des premiers détaillants mondiaux de biocarburants, se met en produire.

Parallèlement à ses investissements dans la production d'énergie, le groupe au coquillage poursuit le recentrage de ses activités dans l'«aval», c'est-à-dire le raffinage et la commercialisation de produits pétroliers. Ces activités ont souffert d'une crise de surcapacité des raffineries en Europe, qui a provoqué un effondrement des marges du secteur, et poussé les principaux acteurs à se restructurer.

Enfin, le groupe profite des déboires de BP en Russie pour y avancer ses pions. Le Premier ministre Vladimir Poutine avait annoncé fin mai que Shell pourrait s'allier à sa place avec le géant public du pétrole, Rosneft, en vue d'exploiter les immenses réserves en hydrocarbures de l'Arctique russe.