Les exploitants de mines sur les terres cries risquent d'être obligés de payer deux fois des redevances à l'avenir: un premier paiement au gouvernement du Québec et un second aux Autochtones.

Le Grand conseil des Cris revendique en effet la perception de redevances sur les propriétés minières situées sur le territoire Eeyou Istchee. Cette proposition a été dévoilée par le négociateur de la nation crie avec le gouvernement du Québec, Abel Bosum, à l'occasion du symposium minier de la Baie-James qui s'est déroulé les 31 mai et 1er juin derniers.

Au cabinet du ministre délégué aux Ressources naturelles, Serge Simard, on nous dit que c'est la première fois que la nation crie présentait publiquement une proposition aussi étoffée de ses revendications concernant les activités minières sur son territoire. Le Ministère n'a pas voulu faire de commentaires.

Aucune mine n'est actuellement en exploitation dans Eeyou Istchee. Les choses pourraient changer à l'avenir avec le Plan Nord du gouvernement de Jean Charest qui prévoit des investissements de 80 milliards de dollars au cours des 25 prochaines années. Les Cris ont d'ailleurs conclu une entente avec Goldcorp en février pour sa future mine d'or Opinaca.

Il reste à voir comment réagiront les sociétés minières aux ambitions des Cris. Par exemple, est-ce que le gouvernement québécois va réduire ses redevances de la somme qui aura été perçue par les Cris? Les sociétés minières souhaiteront-elles toujours développer le Nord si elles doivent payer deux gouvernements différents? «Les sociétés minières veulent savoir de la part du gouvernement quelles sont les règles si elles vont s'établir dans le Nord. S'il y a des redevances à payer, à qui doivent-elles les payer? À ce moment-ci, ce n'est pas clair», convient Gérald Lemoyne, maire de Lebel-sur-Quévillon, qui était présent au symposium minier.

L'Association minière du Québec, le lobby des mines, veut analyser la proposition avant de faire des commentaires, dit André Lavoie, directeur des communications et affaires publiques. Abel Bosum, négociateur des Cris, ne nous a pas rappelés.

Eeyou Istchee est un territoire de plus de 5500 km2 dispersés dans le nord du Québec qui regroupe neuf villages cris. Son statut équivaut à celui d'une municipalité régionale de comté (MRC). Environ 14 000 personnes y habitent.

Des redevances garanties sans égard aux profits

Contrairement aux redevances payables à Québec qui dépendent de la rentabilité de l'exploitation minière, les Cris exigent qu'une partie de leurs redevances soit garantie, peu importe si la mine est rentable ou non. Ce faisant, les Cris pourraient percevoir plus de redevances en provenance d'une mine que le gouvernement du Québec.

Les Jamésiens, les non-Autochtones du territoire de la Baie-James, sont des alliés objectifs des Cris dans ce dossier puisqu'ils souhaitent eux aussi profiter de la manne et qu'une partie des redevances soit réinvestie sur leur territoire.

À cet égard, l'entente de 2005 entre Hydro-Québec et les Jamésiens concernant le projet de l'Eastmain 1A-Sarcelle-Rupert fait figure de précédent.

En vertu de celle-ci, les Jamésiens recevront environ 350 millions en 50 ans.

«On a des discussions avec Goldcorp et on lui a demandé de signer une entente», dit M. Lemoyne, qui souligne qu'il ne veut pas freiner le développement du Nord avec des demandes trop gourmandes.