Ça ressemble à un combat perdu d'avance. D'un côté, l'industrie brésilienne des pâtes et papiers qui croît à un rythme annuel de plus de 10%. De l'autre, l'industrie canadienne, ancienne championne de l'industrie, qui n'en finit plus de rétrécir.

Ce n'est qu'une question de temps avant que le Brésil devienne le premier producteur du monde, estime Carlos Aguiar, président et chef de la direction de Fibria, un des plus importants producteurs brésiliens de pâtes et papiers, de passage à Montréal pour la réunion de l'International Council of Forest and Paper Associations (ICFPA).

En entrevue avec La Presse Affaires, Carlos Aguiar et Antonio Maciel, président et chef de la direction de Suzano Celulose e Papel, ont expliqué que la capacité de production de leur industrie doublera d'ici cinq ans.

Le Brésil est déjà le quatrième producteur mondial de pâte, derrière les États-Unis, la Chine et le Canada, en troisième place. Dans le papier, il occupe le neuvième rang et le Canada, le cinquième.

Contrairement à leurs concurrents canadiens, les producteurs du Brésil ont le vent dans les voiles. La récession de 2008 n'a pas entamé le taux de croissance de leur industrie, qui se maintient au-dessus des 10% depuis 2007.

Reprise au Canada

Pendant ce temps, au Canada, l'industrie forestière a fondu et perdu 85 400 emplois. Avrim Lazar, président de l'Association des produits forestiers du Canada, reconnaît que le Brésil est en bonne voie de dépasser le Canada au classement mondial de l'industrie.

«C'est possible, dit-il. Mais l'important n'est pas d'être le numéro un, c'est d'être rentable et de créer des emplois.

Les nouvelles sont meilleures que l'an dernier pour l'industrie canadienne, selon M. Lazar. «Les prix (du marché) sont plus élevés et nous avons recommencé à embaucher, précise-t-il. La situation n'est pas ce qu'on pourrait appeler bonne, mais ça va mieux.»

Les entreprises canadiennes ont des problèmes, mais les brésiliennes aussi, selon lui. À commencer par le manque de terres disponibles et la concurrence des cultures alimentaires qui nuiront à leur expansion.

Selon les dirigeants de Fibria et de Suzano Celulose, il y a encore de la place pour accroître la culture forestière au Brésil. La forêt ne concurrence pas les cultures alimentaires parce qu'elle se fait sur des terres négligées par l'agriculture ou à l'abandon, assurent les deux hommes.

«Ce n'est plus vrai non plus de dire que notre croissance s'explique parce qu'on paie moins nos employés, qu'on pollue et qu'on fait des coupes illégales», souligne Antonio Maciel.

Contrairement à l'industrie canadienne, qui exploite les forêts naturelles, les entreprises brésiliennes exploitent des forêts plantées d'eucalyptus et de pins dont la presque totalité est certifiée selon les normes environnementales internationales.

Rendement supérieur

L'eucalyptus est une espèce à croissance rapide qui donne des rendements sans commune mesure avec ceux obtenus ailleurs dans le monde.

L'eucalyptus et le pin cultivés au Brésil permettent de fabriquer des papiers sanitaires, du papier fin et du papier d'impression, des produits qui connaissent une bonne croissance.

Les fibres plus courtes de ces espèces ne sont pas idéales pour le papier journal ou l'emballage, des produits en déclin ou en croissance plus lente qui sont traditionnellement une spécialité canadienne.

«S'il y a une vraie contraction du marché, les Brésiliens seront en meilleure position que nous», reconnaît Avrim Lazar.

Par contre, dans un marché en croissance, même modeste, l'industrie canadienne peut continuer à tirer son épingle du jeu, selon lui, dans certains produits de spécialité et dans de nouvelles voies comme la biotechnologie.

«L'industrie sera peut-être plus petite, mais plus durable et rentable.»