En choisissant la firme suisse Landis+Gyr plutôt que la québécoise Trilliant pour remplacer ses 3,7 millions de compteurs, Hydro-Québec opte pour la moins évoluée des deux technologies.

C'est un choix regrettable parce que ça coûtera plus cher à long terme, estime Jean-Nicolas Dupéré, conseiller au développement économique du commissariat industriel de Granby.

M. Dupéré est déçu pour Trilliant et les 500 emplois qui auraient pu être créés dans sa région avec ce contrat qui pourrait atteindre 800 millions de dollars. Mais il est aussi outré comme contribuable et client d'Hydro-Québec.

«C'est une aberration, a-t-il dit au cours d'un entretien avec La Presse Affaires. Hydro a choisi les compteurs les moins perfectionnés et a reporté à plus tard les applications intelligentes. Ils vont se retrouver avec deux réseaux qu'ils devront tenter de connecter ensemble et qui finalement ne seront pas parfaitement intégrés.»

Le remplacement des compteurs coûtera 300 millions. Avec l'installation et les systèmes informatiques associés, le coût du projet pourrait atteindre 800 millions.

Des deux propositions examinées par Hydro, celle de Trilliant était plus coûteuse, mais elle avait le mérite d'intégrer le mesurage et le traitement de l'information, explique Jean-Nicolas Dupéré.

Avec l'évolution de l'auto-production d'électricité et des voitures électriques, le réseau d'Hydro-Québec devra être capable de gérer un flux d'informations de plus en plus important, ce que ne peuvent pas faire des compteurs conventionnels.

«Avec les compteurs de Landis+Gyr, il est possible de faire une lecture par jour, avec la proposition de Trilliant, on peut le faire plusieurs fois par seconde», explique-t-il.

Une amélioration

Les compteurs de Landis+Gyr seront une nette amélioration par rapport au système actuel, qui nécessite une petite armée de 700 releveurs de compteurs pour en faire la lecture, mais ils ne sont pas à la fine pointe de la technologie.

«C'est une technologie qui lit les compteurs, mais qui ne fera jamais rien d'autre que ça», résume Paul Aubin, un des dirigeants de Trilliant Networks, entreprise de Granby dont la proposition n'a pas été retenue par Hydro.

Selon lui, tout indique qu'Hydro a décidé de procéder en deux étapes, en achetant d'abord des compteurs, puis en faisant l'acquisition d'un système de télécommunications.

Il serait toujours possible pour Trilliant d'arrimer sa technologie à celle utilisée dans les compteurs de Landis"Gear, mais le résultat sera loin d'être optimal. «Ça pourrait se faire, estime Paul Aubin, mais il y a beaucoup d'applications qui ne pourront pas être utilisées.»

Les autres importants clients de Trilliant, comme Hydro One en Ontario et British Gas, ont d'abord choisi le système nerveux de leur réseau avant la quincaillerie. Chez Hydro, on fait l'inverse.

Hydro a confirmé hier qu'elle avait procédé en deux étapes. Le choix des compteurs est fait et la décision sera annoncée avant la fin du mois, a fait savoir la porte-parole, Danielle Chabot. L'autre partie de l'équation, soit la technologie qui permettra de gérer l'information fournie par les compteurs, fera l'objet d'un autre appel d'offres.

Pour Jean-Nicolas Dupéré, il s'agit d'un triste exemple de gestion en silos. «Les deux divisions d'Hydro, celle responsable du mesurage et celle qui s'occupe des télécommunications, ne se parlent pas», constate-t-il.