L'alliance stratégique entre les géants pétroliers Rosneft et BP (BP) pour exploiter une région de l'Arctique semble de plus en plus incertaine alors que la date d'expiration fixée pour réaliser l'échange de participations arrive à échéance jeudi.

Selon plusieurs sources proches du dossier, citées par l'agence Dow Jones Newswire, Rosneft a indiqué que l'accord avec BP avait peu de chances d'être réalisé et dès lors envisageait de remplacer le groupe britannique pour explorer une immense région dans l'Arctique.

Annoncé en fanfare à la mi-janvier, l'accord «historique» entre les deux groupes pour prospecter et exploiter en commun une région de 125 000 kilomètres carrés au coeur de l'Arctique russe, prévoyait aussi un échange de participations: Rosneft devait prendre 5% du capital de BP, et BP devait obtenir en échange 9,5% du groupe public russe.

Mais l'actionnaire russe de la coentreprise de BP en Russie, le consortium Alfa Access-Renova (AAR), a argué que l'accord enfreignait les clauses du pacte d'actionnaires de TNK-BP, en vertu duquel les partenaires sont convenus de réaliser tous leurs projets en Russie et en Ukraine à travers la société commune, et a saisi la justice.

Un tribunal d'arbitrage de Stockholm a alors gelé l'accord, laissant néanmoins à BP la possibilité de demander à Rosneft de repousser la date limite du 14 avril, ce qui n'a cependant pas été fait.

Cette semaine, un autre fait est venu assombrir le tableau, estiment des analystes: la démission, annoncée lundi, du vice-premier ministre russe Igor Setchine, un proche du premier ministre Vladimir Poutine, de son poste de président du conseil d'administration de Rosneft.

Pour nombre d'observateurs, M. Setchine était en effet un acteur clé en faveur de la transaction.

Le départ de M. Setchine du CA de Rosneft «ne va pas concourir au succès de la transaction car il en était l'un des plus actifs partisans», a déclaré à l'AFP l'analyste Valéri Nesterov de la banque d'investissements Troïka Dialog.

De son côté, BP a également vécu comme «un coup dur» le départ de M. Setchine, qui était considéré comme un allié important du directeur général de BP Bob Dudley, a rapporté la presse britannique.

Mercredi, plusieurs médias russes et étrangers évoquaient la possibilité que BP décide de se séparer de sa participation de 50% dans TNK-BP pour sauver l'accord avec Rosneft.

«Il ne sera néanmoins pas facile de vendre cet actif (...) car AAR apparaît (désormais) comme un partenaire peu commode et conflictuel», a noté M. Nesterov.

D'autres évoquaient la possibilité que BP rachète ses parts dans TNK-BP à AAR mais des sources proches du dossier ont indiqué que les négociations sur cet éventuel rachat avaient échoué en raison des demandes «irréalistes» d'AAR.

En Grande-Bretagne, l'échec de l'accord pourrait être mis sur le compte de M. Dudley, qui était censé bien connaître le pays pour y avoir déjà travaillé, et avait misé sur cet accord pour incarner la nouvelle stratégie d'expansion de BP après la catastrophe de la marée noire dans le golfe du Mexique.

Plusieurs actionnaires importants de BP, comme le fonds de pension américain Calpers, ont d'ailleurs prévenu qu'ils exprimeraient leur mécontentement lors de l'assemblée générale. Hasard du calendrier, celle-ci doit se tenir aussi jeudi, à Londres, au moment où une partie de l'avenir de la compagnie se décidera à Moscou.

- Avec Dow Jones Newsires