Après les jours sombres traversés durant la crise financière, les attentes sont grandes envers les entreprises qui commencent une nouvelle ronde de dévoilement de leurs résultats. Au Canada, les analystes espèrent que les sociétés minières annonceront des profits aussi élevés que le cours des matières premières. Aux États-Unis et en Europe, les réductions de coûts imposées durant la crise devraient maintenir leurs effets tandis que les ventes, elles, auront fortement progressé.

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Alors que débute la ronde des résultats du premier trimestre, quelles sont les attentes à l'égard des entreprises canadiennes cotées en Bourse?

Tout dépend des secteurs d'activité, répondent d'emblée les analystes et les gestionnaires de placements. On suivra surtout les secteurs de l'énergie et des matières premières, dont la valeur boursière gonflée à bloc depuis quelques trimestres pèse maintenant pour la moitié de tout l'indice de marché S&P/TSX à la Bourse de Toronto.

«Avec les prix des métaux industriels et du pétrole revenus à des niveaux records, les investisseurs dans ces entreprises ont des attentes très élevées pour leurs prochains profits trimestriels», indique Luc Fournier, directeur des fonds d'actions canadiennes à l'Industrielle Alliance.

«Les investisseurs n'auront pas de patience pour tout faux pas ou mauvaise surprise de la part de ces entreprises. D'autant plus qu'ils ont l'impression que les bons résultats ont déjà tardé à se manifester, alors que la hausse des prix des matières premières dure depuis quelques trimestres.»

Multiple cours-bénéfices

Il y a d'ailleurs un moyen de quantifier ces attentes des investisseurs, par l'entremise du multiple cours/bénéfice (c/b) qu'ils attribuent aux actions des entreprises.

Or, ces temps-ci, alors que le multiple c/b de l'indice S&P/TSX est autour de 21 fois, les multiples attribués aux indices de l'énergie et des matières premières se situent autour de 30.

Il s'agit d'un écart considérable pour deux des trois principaux secteurs de la Bourse de Toronto.

En comparaison, le multiple c/b du plus important secteur, celui des banques et des entreprises de services financiers, cote ces temps-ci autour de 15 fois.

C'est inférieur de moitié au multiple des secteurs de l'énergie et des matières premières. Mais aussi inférieur de cinq points au multiple de tout l'indice de marché S&P/TSX.

Par ailleurs, cette situation montre la vulnérabilité de la perception de valeur de toute la Bourse canadienne face aux fluctuations des prix du pétrole, des métaux industriels et de l'or.

La séance d'hier à la Bourse de Toronto a été éloquente à cet égard. L'indice de marché a terminé en baisse de 1,5% ou plus de 200 points après que le Fonds monétaire international (FMI) eut réduit sa prévision de croissance pour l'économie américaine, déclenchant alors un ressac des prix du pétrole et des métaux industriels.

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les prochains résultats trimestriels des entreprises canadiennes d'énergie et de ressources soient sous la loupe comme rarement auparavant.

Autres secteurs à la Bourse de Toronto

Du côté des banques et des entreprises financières, encore en tête avec 28% de la valeur de l'indice de marché, les attentes demeurent plutôt modestes après quelques trimestres réconfortants.

«Les banques en particulier ont déjà divulgué leurs résultats de premier trimestre qui, dans l'ensemble, étaient encore un peu meilleurs que les attentes. En conséquence, leur valeur boursière en a profité, atteignant même des cotes records dans certains cas», souligne Luc Fournier, de l'Industrielle Alliance.

Mais pour la suite, cela pourrait être moins favorable.

«Les investisseurs surveillent davantage la qualité des résultats des banques. En particulier, la part provenant de leurs activités de marchés financiers, à la rentabilité très changeante, et celle de leurs activités bancaires de base, plus stables à moyen terme.»

Quant au quatrième secteur d'importance à la Bourse de Toronto, c'est-à-dire les entreprises industrielles, des éléments de conjoncture économique internationale pèsent le plus sur les attentes des prochains résultats trimestriels.

D'une part, les investisseurs appréhendent que la remontée du dollar canadien à un niveau le plus élevé en trois ans par rapport au dollar américain nuise considérablement à la rentabilité des contrats sur les marchés étrangers.

D'autre part, la relance de l'économie américaine - marché primordial pour les industriels canadiens - continue de battre de l'aile malgré l'ampleur des interventions financières et monétaires de Washington depuis trois ans.

Enfin, dans les secteurs boursiers qui regroupent les principaux détaillants canadiens, les attentes envers les prochains résultats sont aussi teintées d'une certaine modestie.

Ces deux secteurs - consommation discrétionnaire et consommation de base - représentent en tout un peu plus de 6% de la valeur de l'indice S&P/TSX. Mais dans les deux cas, leurs multiples c/b ont été rabaissés autour de 15 au cours des derniers mois, au fur et à mesure de résultats mitigés.

«Depuis trois ans, les détaillants canadiens ont profité d'une économie «domestique» en bien meilleure santé que celle de leurs voisins américains. Mais cette période s'achève, particulièrement dans le marché résidentiel», remarque Luc Fournier.

«Depuis quelques trimestres, les Rona et Canadian Tire de ce monde en arrachent. Ils en auront pour quelques trimestres de léthargie avant de retrouver de meilleurs résultats.»