Le tremblement de terre et le raz-de-marée qui ont frappé le Japon risquent de faire une victime collatérale à l'autre bout du monde: Gentilly-2, la seule centrale nucléaire du Québec.

Pour ceux qui s'opposent depuis toujours à la filière nucléaire, la catastrophe japonaise est l'occasion rêvée de faire dérailler le projet de réfection de la centrale, qui doit assurer son fonctionnement pour 25 années de plus.

S'ils ont gain de cause, ce sera pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la sécurité des installations. Ce qui est arrivé au Japon n'empêchera pas la filière nucléaire de croître dans ce pays et dans les autres qui ont misé sur cette forme d'énergie, comme la France.

Gentilly-2 compte pour 3% de la capacité de production d'Hydro-Québec. Ses 675 mégawatts fournissent 5 milliards de kilowattheures par année, soit l'équivalent de la consommation de la ville de Québec.

Faut-il garder Gentilly-2 ou la démanteler? Voici les pour et les contre.

POUR

Une police d'assurance

La centrale nucléaire Gentilly-2 de Bécancour est la seule installation d'Hydro-Québec dont la production ne dépend pas des conditions climatiques (niveau de précipitations ou vitesse du vent). Sa contribution constante est donc précieuse en hiver, lorsque le réseau électrique est fortement sollicité. Sa situation géographique, entre Montréal et Québec, est aussi un atout en cas d'intempéries qui fragiliseraient les très longues et très exposées lignes de transport d'Hydro-Québec.

Un coût avantageux

Hydro-Québec estime que le coût de revient de l'électricité produite par sa centrale nucléaire rénovée serait de 7,2 cents le kilowattheure. Il s'agit d'un coût plus bas que celui des nouvelles centrales hydroélectriques comme celle de la Romaine (10 cents) et inférieur à celui des formes d'énergie alternatives comme l'éolien (12 cents), si le coût de la réfection ne dépasse pas le budget prévu de 2 milliards.

Des retombées économiques

On l'oublie souvent, mais la centrale est le gagne-pain direct de 700 personnes en Mauricie. Il s'agit en majorité d'emplois spécialisés, ingénieurs et techniciens, et bien rémunérés. La centrale fait aussi vivre un réseau de fournisseurs, des PME qui ont développé une expertise unique au Québec.

Pas d'émission de GES

Une centrale nucléaire produit des déchets radioactifs, mais pas de gaz à effet de serre, ce qui explique que plusieurs pays se sont tournés vers cette forme d'énergie. La production de Gentilly-2 contribue donc à l'effort du Québec de limiter ses émissions de GES. Le recours à la centrale au gaz naturel de TransCanada Energy, située à proximité, aurait pour effet d'augmenter la production de GES.

Des risques contrôlés

Toutes les filières énergétiques comportent des risques. Ceux des centrales nucléaires sont connus, mais on pense moins aux effets catastrophiques d'un tremblement de terre majeur sur les grands barrages d'Hydro-Québec, par exemple. Gentilly-2 a été mise en service en 1983 et produit de l'électricité depuis presque 30 ans sans problème majeur, ce qui indique que les risques sont sous contrôle.

CONTRE

D'autres options

Contrairement au Japon, le Québec dispose de plusieurs choix pour satisfaire ses besoins énergétiques. La production d'origine nucléaire pourrait facilement être remplacée par une nouvelle centrale hydroélectrique, ou un recours plus important au secteur éolien, à la biomasse ou même par des mesures d'économie d'énergie.

Des coûts difficiles à évaluer

Hydro-Québec estime que la réfection de la centrale coûtera 2 milliards, ce qui lui permet d'établir un prix de revient de 7,2 cents le kilowattheure pour l'électricité qu'elle produira. Les deux autres réfections en cours de centrales semblables, à Point-Lepreau au Nouveau-Brunswick et à Wolsong en Corée du Sud, ont pris du retard, ce qui fait grimper la facture. Tant que ces réfections ne sont pas terminées, il sera difficile d'estimer la facture finale. C'est la raison pour laquelle Hydro a reporté de 2011 à 2012 le début des travaux à Bécancour.

Un apport négligeable

Gentilly-2 ne compte que pour 3% de la production totale d'électricité du Québec et sa fermeture ne menace pas l'équilibre énergétique. Comme il n'est pas question de construire d'autres centrales nucléaires, il est inutile d'investir des milliards dans cette technologie.

Les risques pour la santé

L'arrêt de la production de la centrale de Bécancour soulagerait sûrement ceux qui vivent à proximité et qui s'inquiètent des risques d'accident ou de fuites qui peuvent survenir dans le cours normal de ses activités. Mais même fermées, les installations de Gentilly-2 continueraient d'abriter du matériel hautement radioactif pour des milliers d'années et dont le coût de disposition serait aussi élevé que celui prévu pour la réfection.

Des surplus en abondance

Le Québec ne manque pas d'énergie et il dispose même de surplus importants pour plusieurs années à venir. Le moment est donc propice pour fermer Gentilly-2 et fermer définitivement le dossier nucléaire.