Votre panier d'épicerie pourrait coûter de 5 à 7 % plus cher d'ici la fin de l'année à cause de la hausse du prix du pétrole, affirment des chercheurs. Les détaillants rétorquent qu'il est trop tôt pour crier au loup, même si certains d'entre eux affirment que le marché est mûr pour une augmentation «responsable» des prix.

Sylvain Charlebois n'y va pas par quatre chemins: «La corrélation pétrole-bouffe va nous jouer de vilains tours dans les prochains mois», dit cet expert en distribution alimentaire à l'Université de Guelph.

L'automne dernier, on prévoyait une hausse de 3 à 5 % des prix dans les supermarchés pour 2011, souligne-t-il. Mais la flambée du cours du pétrole qui a suivi la vague de contestation au Moyen-Orient a changé la donne. Les prix bondiront plutôt de 5 à 7 %, estime maintenant M. Charlebois. Et il compte revoir ses prévisions à la hausse si la crise politique continue de pousser le prix du brut vers le haut.

La raison est simple: le pétrole est omniprésent dans la production des aliments. On s'en sert pour fabriquer de l'engrais, pour alimenter la machinerie agricole et pour transformer les fruits, légumes et viandes en produits plus élaborés, pour emballer les produits finis. Et, bien sûr, le carburant alimente les camions et les bateaux qui transportent les aliments des usines jusqu'aux tablettes des commerces, en passant par les entrepôts et les centres de distribution.

Le carburant est une composante importante du coût des aliments, convient le Conseil canadien du commerce de détail. Mais son porte-parole, Frédéric Alberro, estime qu'il est encore trop tôt pour spéculer sur l'effet de la récente augmentation sur le panier d'épicerie. En outre, la vigueur du dollar canadien pourrait jouer en faveur du Canada pour les aliments importés. Et la météo, toujours imprévisible, pourrait elle aussi affecter les récoltes, et donc le prix sur les tablettes.

Quoi qu'il advienne, la concurrence féroce entre les chaînes telles que Metro, Provigo et IGA va les empêcher de refiler d'importantes augmentations à leurs clients, souligne M. Alberro.

«Ce n'est pas toujours dans leur intérêt de passer des augmentations de prix au complet dans leurs prix, convient Bruno Larue, professeur au département d'économie agroalimentaire à l'Université Laval. Il est possible que la demande baisse trop si les prix grimpent trop vite.»

N'empêche, les détaillants multiplient les signaux qui pointent vers une augmentation des prix.

«Il y a suffisamment d'indices qui suggèrent que le marché est préparé à augmenter de manière responsable, de manière à refléter les hausses de coûts justifiées à mesure qu'elles sont avancées par les manufacturiers», a indiqué hier le président de Sobey's, Bille McEwan, en présentant ses résultats financiers.

Mais les consommateurs n'ont pas à craindre une poussée violente des prix dans leurs supermarchés, estime Carlo Cortina, qui connaît bien le milieu alimentaire. Il est le directeur des achats chez JB Laverdure, entreprise montréalaise qui importe des fruits et légumes depuis plus d'un siècle.

«La hausse du cours du pétrole pourrait avoir un effet, comme ça ne pourrait pas en avoir, a indiqué M. Cortina. Pour le moment, presque tous nos fruits et légumes proviennent des États-Unis. Le coût du transport pourrait augmenter avec celui du pétrole. Mais à quel point ça va affecter les prix? On ne le sait pas encore.»