Nathalie Normandeau ne semble pas avoir l'intention de reconduire le moratoire dans le Golfe du Saint-Laurent, qui se termine l'année prochaine, afin de pouvoir exploiter le gisement Old Harry, qui recèlerait deux milliards de barils de pétrole.

«Pour l'avenir économique du Québec, pour l'avenir des générations futures, pour le financement des services publics, il y a urgence que le Québec puisse jouer sur sa colonne de revenus. Il faut aller chercher des revenus additionnels. C'est un impératif» a indiqué ce midi la ministre des Ressources naturelles et de la Faune.

Depuis 1998, il y a un moratoire sur l'exploration et exploitation de pétrole et gaz dans l'ensemble du Saint-Laurent.

L'année dernière, le gouvernement Charest commandait quatre évaluations environnementales stratégiques (EES) pour le Saint-Laurent. La première, sur l'estuaire, a été déposée l'automne dernier. Étant donné la «limpidité» des constats, le gouvernement Charest avait interdit définitivement les forages dans ce secteur fragile, riche de biodiversité et qui alimente l'industrie de la pêche et du tourisme. Le moratoire ne touche toutefois pas les îles de ce secteur.

Les trois autres EES, qui étudieront les bassins de la Madeleine, de la baie des Chaleurs et d'Anticosti, seront déposées l'année prochaine. Le gouvernement promet ensuite de consulter les populations locales avant de prendre une décision.

La ministre Normandeau espère que l'EES sur le bassin de la Madeleine précisera les secteurs de forage les «plus propices» et les «mesures d'atténuation» à déployer pour minimiser les impacts environnementaux.

Le gisement Old Harry est situé à environ 80km des Iles-de-la-Madelaine, à cheval sur la frontière maritime entre le Québec et Terre-Neuve. Le gouvernement Charest est d'autant plus pressé que Terre-Neuve se prépare à exploiter le pétrole ou gaz du gisement. Après avoir effectué des levés sismiques l'automne dernier, l'entreprise Corridor Ressources vient de demander une autorisation pour procéder à des forages. L'exploitation pourrait commencer dès l'année prochaine.

De l'aveu même du critique du PQ en Affaires intergouvernementales, Bernard Drainville, cela rend le moratoire «bidon». Il craint aussi que Terre-Neuve empiète sur la frontière et «pompe le pétrole du Québec».

Mais même si Québec lève son moratoire, il ne pourrait pas encore exploiter le gisement. Les fonds marins sont de compétence fédérale. En 1985, Terre-Neuve signait une entente avec le fédéral qui menait à la création de l'Office Canada/Terre-Neuve et qui lui permettait d'exploiter ses ressources pétrolières et gazières. Québec essaie sans succès depuis les années 90 de conclure une telle entente.

L'autre problème de Québec, c'est que Terre-Neuve refuse de reconnaître sa frontière maritime de 1964, qui a pourtant été confirmée par la jurisprudence.

Les négociations piétinent depuis 12 ans. Le PQ accuse la ministre Normandeau de ne pas assez faire pression sur Ottawa. Elle refuse d'ailleurs d'en faire un enjeu aux prochaines élections électorales.

Quant à elle, Mme Normandeau se montre optimiste. Elle espère même conclure une entente avec les prochaines élections fédérales, qui pourraient être déclenchées ce printemps. Elle assure que son homologue fédéral, Christian Paradis, est réceptif. « Nos sous-ministres se parlent maintenant directement », ajoute-t-elle.