Le Québec aura du mal à résister à la tentation d'exploiter ses ressources de gaz de schiste, a prédit jeudi le président d'Alstom en Amérique du Nord, Pierre Gauthier, qui rêve d'une «décarbonisation» du secteur de l'énergie.

À l'issue d'un discours prononcé à la tribune de l'Association de l'industrie électrique du Québec, M. Gauthier a estimé qu'il était possible d'extraire du gaz naturel de la vallée du Saint-Laurent tout en respectant l'environnement.

«L'attrait d'une ressource, c'est bien difficile à résister, a-t-il affirmé en entrevue. Deux choses peuvent se produire: soit vous trouvez une ressource équivalente qui la remplace ou vous mettez en place des garde-fous pour vous assurer que cette production-là soit sécuritaire et environnementalement correcte. Mais c'est sûr que si vous avez une petite mine d'or là, éventuellement vous allez vouloir l'exploiter et vous allez travailler très fort pour (...) être capable de mettre la main dessus.»

Pour Alstom, qui fabrique notamment des turbines à gaz, une poussée de l'énergie bleue au Canada et aux États-Unis ouvrirait la voie à des occasions d'affaires intéressantes.

Mais si la filière devait se révéler moins prometteuse que prévu, le géant français n'en souffrirait pas outre mesure, puisqu'il produit également des chaudières au charbon, la source d'énergie dominante aux États-Unis.

Pour l'environnement, la conversion au gaz naturel de centrales électriques qui fonctionnent actuellement au charbon serait une bonne chose. La combustion du gaz naturel produit des émissions de gaz à effet de serre, mais beaucoup moins que celle du charbon. C'est ce qu'entend Pierre Gauthier par «décarbonisation» de l'économie.

Rail

Dans son autre secteur d'activité, l'équipement ferroviaire, Alstom suit de près les projets de trains rapides en Floride et en Californie, qui sont également sous la loupe de Bombardier (TSX:BBD.B).

M. Gauthier ne craint pas particulièrement les constructeurs chinois, qui ont exprimé leur ambition de percer bientôt le marché américain, même s'il dit les prendre au sérieux.

«Toute somme reçue par les États provenant du gouvernement fédéral (pour les projets ferroviaires) doit s'accompagner d'un contenu américain à 100 pour cent, a-t-il relevé. Or, les Chinois n'ont aucune usine aux États-Unis. Alstom en a une dans l'État de New York. Et 100 pour cent (de contenu américain), ça ne se fait pas en criant ciseau. Si vous êtes pas là depuis longtemps, ce n'est pas évident que vous serez en mesure de pénétrer un marché.»

Aux États-Unis, Alstom a récemment remporté, aux dépens de Bombardier, un contrat de près de 200 millions $ US pour la réhabilitation de voitures de train de banlieue au Delaware.

Au Québec, Alstom prépare la construction d'une nouvelle usine à Sorel-Tracy, en Montérégie, où l'on fabriquera la partie inférieure des caisses des nouvelles voitures du métro de Montréal.

Pour l'instant, tout baigne avec Bombardier, avec qui Alstom partage le contrat de 1,19 milliard $, a assuré Pierre Gauthier, dont le bureau est situé à Washington depuis qu'on lui a confié la responsabilité des États-Unis, il y a deux ans et demi.

Alstom songe en outre établir à Sorel un «centre d'excellence mondial» dans le secteur de l'hydroélectricité. Aucune date d'ouverture n'a toutefois été fixée pour le moment.

La multinationale compte près de 2000 employés au Canada, dont plus de la moitié au Québec. Aux États-Unis, elle donne du travail à près de 10 000 personnes. Environ 15 pour cent des revenus totaux d'Alstom sont tirés de l'Amérique du Nord.