L'augmentation rapide des prix du pétrole risque-t-elle de faire dérailler la reprise économique mondiale, comme l'Agence internationale de l'énergiel'a affirmé hier? Non, croit l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Pas sûr non plus, estiment des observateurs du marché.

«Je ne pense pas que le prix actuel est dangereux pour la reprise économique, croit Carlos Leitao, économiste en chef de la Banque Laurentienne. Je pense même que le pétrole est surévalué et qu'il pourrait baisser parce que les prévisions de croissance de l'économie mondiale sont relativement modestes.»

C'est donc la faiblesse de la reprise qui fera baisser le prix du pétrole et non le prix du pétrole qui pèsera sur la reprise, selon lui.

Le prix du pétrole se rapproche dangereusement du seuil psychologique des 100$US le baril, grâce à l'augmentation de la demande engendrée par la reprise économique. Hier, le brut a fini la journée à 91,38$US, en baisse de 16 cents US. Après être resté stable pendant un an, le prix du pétrole s'est remis en mode augmentation en septembre dernier. Il s'est apprécié depuis de 25%.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, une hausse aussi rapide constitue «un vrai risque économique». L'agence, qui représente les intérêts des pays consommateurs de pétrole, a augmenté hier pour la quatrième fois en quatre mois sa prévision de la demande mondiale, qui devrait atteindre 89,1 millions de barils par jour en 2011.

Les pays exportateurs de pétrole ont aussitôt rétorqué que l'Agence internationale de l'énergie se montre inutilement alarmiste.

L'augmentation récente des prix s'explique par des facteurs ponctuels, selon l'OPEP, comme la fermeture du pipeline de l'Alaska et la baisse du dollar américain. «En réalité, les stocks de pétrole demeurent bien supérieurs à la moyenne des cinq dernières années, à 60 jours de consommation», a souligné l'OPEP dans un communiqué publié sur son site internet.

Selon l'OPEP, les pays membres de l'organisation peuvent encore augmenter leur production de 6 millions de barils par jour si la demande le justifie.

L'OPEP n'a pas tort, croit Mathieu d'Anjou, économiste chez Valeurs mobilières Desjardins. Selon lui, l'économie mondiale peut vivre avec un baril à 100$US, même si la rapidité avec laquelle le prix a augmenté au cours des dernières semaines a commencé à ébranler la confiance encore fragile des consommateurs.

«Il y a une tendance haussière et, si ça continue d'augmenter, il pourrait y avoir un impact parce que la reprise est fragile», explique-t-il.

Mais, comme son collègue de la Banque Laurentienne, l'économiste de Desjardins croit que le marché du pétrole va se calmer et que les prix pourraient baisser, parce qu'il y a «un optimiste exagéré» au sujet de la croissance économique mondiale.

Desjardins prévoit que le prix du pétrole ne franchira pas pour de bon le seuil des 100$US avant la fin de l'année et que son prix moyen de 2011 sera de 88$US le baril.

Positif et négatif

L'augmentation des prix du pétrole a des effets à la fois positifs et négatifs au Canada. Comme pays producteur de pétrole, le Canada profite de la hausse des prix qui stimule l'investissement dans son secteur énergétique et augmente les taxes et impôts perçus.

L'augmentation du prix du pétrole contribue toutefois à l'appréciation de la devise canadienne, ce qui nuit à l'économie canadienne dont la santé dépend des exportations.

Positif ou négatif, l'impact dépend du niveau des prix, selon Carlos Leitao. «Au niveau actuel, je dirais entre 80 et 100$US le baril, l'effet est plutôt positif pour l'économie canadienne, explique-t-il. Au-delà, et si le dollar canadien dépasse la parité, ça peut être punitif pour l'économie.»