C'est l'un des gisements de fer non développés les plus prometteurs sur la planète. Il se cache au nord de l'île de Baffin, dans l'archipel arctique canadien.

Un obstacle géographique qui n'empêche pas ArcelorMittal et une firme d'investissement privé de se battre depuis le début de l'automne pour prendre le contrôle de la société Baffinland Iron Mines [[|ticker sym='T.BIM'|]] et de son projet Mary River, et de son milliard de tonnes de fer. Les dernières offres des deux belligérants expirent lundi à minuit. Rappel des enjeux et des événements, qui illustrent bien les tendances actuelles du secteur minier mondial.

La proie et le butin

Baffinland Iron Mines Corporation est une société junior basée à Toronto qui se consacre au développement de la propriété de Mary River. Cette propriété se trouve au nord de l'île de Baffin, à 1000 kilomètres au nord-ouest d'Iqaluit, capitale du Nunavut. Baffinland y développe un projet de mine qui pourrait générer 18 millions de tonnes de fer par année. Il s'agit donc d'un projet d'une envergure semblable aux installations d'ArcelorMittal à Fermont ou d'IOC (Rio Tinto) à Labrador City. Baffinland estime actuellement les ressources à un milliard de tonnes, à une teneur d'environ 65 %. Cela signifie que le minerai n'aurait pas à être concentré avant d'être expédié.

Avant la bataille pour la prise de contrôle, Baffinland tentait d'obtenir pas moins de 4,1 milliards pour financer son projet, qui nécessite 125 kilomètres de rail et des infrastructures portuaires. La mise en production serait possible au plus tôt en 2016 dans ce désert nordique.

L'action de Baffinland (BIM sur le TSX) était à 0,56 $ avant le début de la bataille.

L'agresseur

Nunavut Iron Ore Acquisition (NIOA) est une filiale d'Iron Ore Holdings, société américaine mise en place exclusivement pour l'acquisition de Baffinland Iron Mines. Elle est propriété de Bruce Walter, Jowdat Waheed et du Energy & Minerals Group, une firme d'investissement privé qui fournit la majorité du financement pour l'opération. Jowdat Waheed est un ancien consultant de Baffinland. Bruce Walter a passé toute sa carrière à négocier des fusions et acquisitions, notamment dans le secteur minier. NIOA veut développer le projet en plusieurs phases. Une première petite opération pourrait ainsi naître d'ici deux ans et générer un peu d'argent, a affirmé M. Walter dans une entrevue à Reuters.

Le chevalier blanc

Le plus important producteur d'acier au monde cherche à augmenter sa propre production de fer pour diminuer sa vulnérabilité aux variations du prix du fer. La production de fer est largement contrôlée par trois grands joueurs globaux : Vale, Rio Tinto et BHP Billiton. Le plan d'ArcelorMittal, basée au Luxembourg, est de faire passer sa production de fer de 50 à 100 millions d'ici 2015. Même s'il pourra difficilement être lancé avant 2016, le projet de Mary River, sur lequel Arcelor elle veut gagner le total contrôle, cadrerait dans la vision du sidérurgiste.

Le trouble-fête, peut-être

L'ancien président et chef de la direction de Baffinland, Gordon McCreary, a quitté le navire l'automne dernier et est parti lui-même à la recherche d'acquéreurs. Les Chinois seraient très intéressés, a-t-il affirmé au Financial Post à la mi-décembre. Mais depuis, plus rien.

La bataille

22 septembre : Après avoir accumulé des actions de Baffinland pendant un mois, Nunavut Iron Ore Acquisition (NIOA) lance une offre d'achat hostile à 0,80 $ l'action, pour une valorisation de 274,3 millions. C'est une prime de 42,9 % par rapport au cours de l'action de la journée précédente.

8 novembre : ArcelorMittal propose une prise de contrôle amicale pour environ 433 millions, soit 1,10 $ par action. Le plus important actionnaire de Baffinland, Resource Capital Funds, convient de céder sa participation de 23 % dans la société. L'ancien PDG de Baffinland, Gordon McCreary, démissionne du conseil d'administration.

14 décembre : Gordon McCreay affirme qu'une grande entreprise d'État chinoise s'intéresse à Baffinland.

15 décembre : NIOA augmente son offre à 1,35 $ l'action, mais ne veut plus acheter que 50,1 % des titres en circulation.

19 décembre : ArcelorMittal bonifie son offre à 1,25 $ par action pour la totalité des titres. L'offre vaut 492 millions.

20 décembre : Pour une deuxième fois en un mois et demi, NIOA conteste devant la commission des valeurs mobilières ontariennes la validité d'un plan de protection des actionnaires (dragée toxique) adopté par Baffinland.

22 décembre : Baffinland abandonne la deuxième dragée toxique.

29 décembre : NIOA augmente son offre à 1,40 $ l'action pour 60 % du total de la société, incluant sa propre part d'environ 10 %.

3 janvier : Nunavut Iron Ore bonifie son offre à 1,45 $.

4 janvier : ArcelorMittal décide de ne pas surpasser le montant offert par Baffinland. La société luxembourgeoise croit néanmoins avoir la meilleure offre.

10 janvier : Les offres des deux belligérants expirent à minuit. Un joueur doit rallier la majorité des actionnaires pour remporter la mise. Il est toujours possible de bonifier ou de prolonger l'offre.