En plein coeur d'un boom propulsé par une demande croissante de métaux des pays émergents, le Québec minier est à un tournant. Les projets sont nombreux et les perspectives sont lumineuses dans le secteur des métaux. En même temps, le gouvernement augmente les redevances, mais peine à achever la modernisation de la Loi sur les mines. Et la mobilisation citoyenne autour des enjeux miniers s'intensifie.

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Gaz de schiste, uranium, mines à ciel ouvert: «Il n'y jamais eu de mobilisation semblable depuis 30 ou 40 ans dans le secteur des ressources», affirme le porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, Ugo Lapointe.

Jean-Pierre Thomassin, directeur général sortant de l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ), remarque aussi un certain changement d'attitude dans la population depuis un an et demi.

C'est le cas en Abitibi, où la multiplication des projets de mines à ciel ouvert suscite des questions. C'est le cas aussi du côté des autochtones, avec les Cris qui se sont opposés récemment au projet d'uranium Matoush, dans les monts Otish.

Le message des critiques de l'industrie fait mouche. «La dernière année a été très difficile sur le plan médiatique», confie M. Thomassin, qui a quitté la direction de l'AEMQ le 31 décembre dernier.

Un projet de loi en suspens

Il faut dire que le dossier du gaz de schiste a attiré l'attention sur la Loi sur les mines, jusque-là connue seulement dans régions minières. Gaz et mines sont deux secteurs bien différents, mais jusqu'ici régis par la même loi.

«Il y a une prise de conscience par la population en général de la Loi sur les mines et de ses problèmes, soutient Ugo Lapointe. Il y a une nécessité de réformer en profondeur cette loi-là, de rééquilibrer les droits des citoyens et des municipalités par rapport à ceux des minières.»

Sauf que le projet de loi 79, par lequel le gouvernement Charest entend réformer la Loi sur les mines, n'a répondu aux attentes ni des organismes environnementaux ni des municipalités. Celles-ci désirent davantage de contrôle sur l'activité minière sur leur territoire, ce à quoi l'industrie et le gouvernement s'opposent.

Pour l'instant, le projet de loi prévoit principalement d'augmenter les garanties financières pour la réhabilitation des sites miniers, de soumettre la totalité des projets à une consultation publique et de stimuler l'exploration minière.

Après des consultations étendues l'été dernier 78 groupes ou individus ont déposé un mémoire le projet de loi a frappé un mur lors de l'étude détaillée en commission parlementaire.

Difficile de savoir si le gouvernement déposera de nouveau le même projet à la reprise des travaux ou s'il le réécrira totalement.

Tous les intervenants surveilleront cela de près en 2011. Tout comme la mouture définitive du Plan Nord, que présentera le gouvernement dans les premiers mois de l'année.

L'industrie sera d'autant plus alerte qu'elle a déjà été échaudée en 2010.

Annoncée dans le budget du printemps dernier, la refonte du régime de droits miniers, qui inclut une hausse des redevances de 12 à 16% des profits, a désagréablement surpris les sociétés. «En additionnant les redevances plus imposantes et les nouvelles obligations et modalités, c'est difficilement digérable», soutient le président-directeur général de l'Association minière du Québec, Dan Tolgyesi.

Favoriser «l'accueil social»

Cela n'a pas empêché les minières d'être très actives au Québec en 2010. Selon les données préliminaires recueillies par l'Institut de la statistique du Québec, les dépenses d'exploration et de mise en valeur devraient atteindre 576 millions, un record.

Des projets sont en cours aux quatre coins du Québec, que ce soit dans le secteur du lithium (Canada Lithium), des terres rares (Quest Rare Minerals) ou du diamant (Stornoway Diamond). Sans oublier le secteur aurifère, avec Eleonore (Goldcorp) et Canadian Malartic (Osisko), qui entrera en production au deuxième trimestre. Même le potentiel aurifère de l'Estrie commence à attirer l'attention.

Le prix élévé des métaux pousse les sociétés, mineures ou majeures, à accélérer la cadence. Elles ont néanmoins du pain sur la planche pour favoriser leur «accueil social», pour reprendre les mots de la nouvelle directrice générale de l'AEMQ, Valérie Fillion. «Les sociétés qui savent interagir avec leur milieu très tôt dans le processus seront les sociétés gagnantes», souligne-t-elle.

L'Association minière du Québec, qui représente les producteurs, entend aussi mettre l'accent sur l'acceptabilité sociale et la «cohabitation harmonieuse avec les communautés» en 2011.