Contrairement aux craintes du gouvernement Harper, le Canada pourrait devancer les États-Unis et fixer un prix sur le carbone sans miner sa croissance économique. Et cela pourrait même se faire sans nuire à la Saskatchewan et l'Alberta, les deux plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au pays par rapport à la taille de leur économie.

Ce sont les conclusions publiées cette semaine par l'Institut C.D. Howe, un think-tank torontois pourtant peu reconnu pour ses positions de gauche.

«Même si le Canada impose une politique sur le carbone et que ses partenaires commerciaux ne le font pas, les taux de croissance (économique) ne seraient pas significativement altérés», écrit l'Institut.

Les auteurs invalident aussi l'idée que l'Alberta et la Saskatchewan feraient les frais d'une politique fédérale sur les gaz à effet de serre (GES), affirmant que des mesures simples pourraient empêcher ces effets pervers.

«Si les décideurs veulent réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada, ils peuvent le faire», tranche l'Institut.

«L'une des barrières à l'action au Canada est la crainte qu'une politique fédérale sur le climat amène un transfert de richesse des provinces à haute émission vers les provinces à faible émission. Cette étude montre qu'il y a des options pour surmonter ses préoccupations», s'est réjoui Matt Horne, de l'Institut Pembina, une organisation environnementale d'origine albertaine.

Les auteurs de l'Institut C.D. Howe examinent plusieurs façons pour le fédéral d'atteindre sa nouvelle cible de réductions. Celle-ci vise maintenant à ramener les émissions à 17% sous leur niveau de 2005 d'ici 2020, une cible beaucoup moins ambitieuse que l'engagement du Canada de réduire les émissions de 6% par rapport au niveau de 1990 pris en vertu du protocole de Kyoto.

Le premier scénario examiné par l'Institut C.D. Howe est l'approche de réduction par intensité que le gouvernement fédéral avait proposée en 2008, mais qu'il n'a jamais adoptée. En calculant les émissions permises comme un pourcentage de la production, cette approche permet notamment à une entreprise d'augmenter ses émissions si elle augmente sa production.

Ironiquement, les auteurs montrent que ce scénario aurait eu pour effet de transférer de la richesse des provinces les moins polluantes comme le Québec et la Colombie-Britannique vers l'Alberta et la Saskatchewan.

Pourquoi? Parce que les provinces les plus polluantes ont davantage d'options bon-marché pour diminuer leurs émissions que les provinces déjà propres. Si le fédéral avait instauré son programme, l'Alberta et la Saskatchewan auraient donc pu surpasser leurs cibles et générer des crédits de carbone qu'elles auraient pu vendre aux autres provinces.

Les autres avenues explorées par le C.D. Howe consistent en gros à fixer un prix sur le carbone en mettant à l'encan des permis de polluer qu'il faut acheter. Les provinces polluantes devraient évidemment en acheter davantage, mais l'Institut propose de leur retourner les sommes perçues par des réductions sur l'impôt des entreprises.

Cette solution permettrait de réduire les effets négatifs sur les gros pollueurs.

Selon l'Institut C.D. Howe, le Canada pourrait choisir n'importe laquelle de ces avenues pour réduire ses émissions de GES sans craindre pour sa croissance, qui ne serait affectée au pire que de 0,02%.

«Une politique sur le climat ne conduira pas nécessairement à une réduction de la profitabilité des entreprises, ni à un flot d'investissements hors du Canada», concluent les auteurs.