Hydro-Québec a plus d'électricité qu'elle ne peut en vendre sur ses différents marchés. Les exportations aux États-Unis sont moins rentables à cause du prix très bas de l'électricité au sud de la frontière et de la hausse du dollar canadien. Les astres sont bien alignés pour l'industrie de l'aluminium, qui se remet peu à peu en mode expansion.

Le message était clair et il a été transmis directement. Le mois dernier, invitée par le Conseil des relations internationales de Montréal, la grande patronne de Rio Tinto Alcan a profité de la présence du PDG d'Hydro-Québec pour dire haut et fort que le Québec a plus à gagner à vendre son électricité aux alumineries plutôt que de l'exporter.

«Un kilowattheure utilisé par l'industrie de l'aluminium en 2009 générait deux fois plus de valeur qu'un kilowattheure exporté aux États-Unis», a lancé Jacynthe Côté devant un Thierry Vandal attentif.

Ce calcul ne fait pas l'unanimité, et le vieux débat sur la meilleure utilisation à faire de l'hydroélectricité québécoise pourrait recommencer de plus belle. Mais le contexte actuel est de plus en plus favorable aux arguments de l'industrie.

D'une part, en effet, la débandade de l'industrie forestière a libéré une bonne quantité d'énergie qui pourrait être utilisée ailleurs, notamment par les alumineries. Cette année, la consommation d'électricité dans le secteur grande entreprise est en baisse de 10% (ou 6 térawattheures), selon Hydro-Québec.

D'autre part, les exportations d'électricité aux États-Unis sont moins rentables. C'est à cause de l'appréciation du dollar canadien, qui mine la rentabilité de tous les exportateurs, y compris Hydro-Québec. C'est aussi parce que le prix de l'électricité reste bas dans les marchés du nord-est des États-Unis, en raison du coût peu élevé du gaz naturel qui sert à produire de l'électricité dans ces marchés.

Résultat: l'écart de revenus entre un kilowatt exporté et un kilowatt vendu aux alumineries s'est rétréci. Le tarif consenti aux grandes entreprises est de 4,5 cents le kilowattheure, alors qu'Hydro a reçu un prix moyen de 5,6 cents pour les kilowattheures exportés depuis le début de l'année 2010.

Pour les alumineries toujours assoiffées d'énergie pas chère, le contexte québécois redevient donc favorable à leur argument principal, c'est-à-dire qu'en comptant les emplois et les retombées qu'elles génèrent dans les régions, les kilowatts qu'elles utilisent rapportent davantage que les kilowatts exportés.

De retour

Par ailleurs, les producteurs d'aluminium se remettent lentement de l'électrochoc subi en 2008, quand le prix de l'aluminium a chuté de moitié. Tranquillement, ils ressortent leurs projets d'expansion des placards.

Le prix de l'aluminium, un produit de base qui se négocie au London Metal Exchange de Londres, est encore loin des sommets atteints en 2008. Mais il se redresse lentement et sûrement, à mesure que la demande mondiale reprend.

Chez Rio Tinto Alcan, par exemple, les ventes de 2010 seront supérieures aux prévisions faites en début d'année.

«Il y a certainement plus de certitude en matière de planification, convient Jean Simard, président de l'Association des alumineries du Québec. Les projets d'expansion prennent plus de tonus».

À la faveur des regroupements dans l'industrie, l'Association des alumineries du Québec ne compte plus que deux membres, soit Rio Tinto Alcan et Alcoa, qui exploitent leurs usines du Québec soit seuls, soit en partenariat. L'industrie, qui doit planifier ses lourds investissements des décennies à l'avance, entend profiter de la fenêtre qui s'ouvre au Québec, «avec les nouvelles centrales et l'écrasement des prix du gaz», indique son porte-parole.

Les négociations ont donc repris avec Hydro-Québec, qui aura de plus en plus d'énergie à vendre à mesure que ses nouvelles centrales entreront en service. La capacité de production d'Hydro augmentera de 4%, soit de 1550 mégawatts entre 2010 et 2020, avec les projets en construction.

Malgré les critiques qui s'élèvent périodiquement contre la vente à bas prix d'électricité aux alumineries, la production d'aluminium devrait donc augmenter au Québec.

«S'il y a un endroit dans le monde où il est justifié de faire de l'aluminium, c'est au Québec, affirme Jean Simard. Le Québec produit l'aluminium le plus vert au monde».

Pour les producteurs d'aluminium, une industrie lourde dont le quart des coûts de production est de l'énergie, l'empreinte de carbone prend une importance croissance. C'est un argument de vente auprès des grands utilisateurs du métal. Et une raison de plus pour prendre de l'expansion au Québec.