La croissance de la production de gaz d'origine non conventionnelle devrait permettre un «âge d'or» pour cette énergie, en la rendant bon marché et abondante, estime Fatih Birol, économiste en chef de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui publie mardi ses perspectives mondiales.

Faut-il s'attendre à un pic de la production mondiale de pétrole dans les années à venir?

La production de pétrole brut a atteint 70 millions de barils par jour (mbj) en 2006, et, selon notre scénario de base, elle ne remontera plus jamais à ce niveau. Elle devrait évoluer à un plateau de 68 à 69 mbj dans les 25 ans à venir.

La production des champs existants décline en effet de manière importante, en particulier dans les États non membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). La production de ces champs devrait ainsi chuter de 69 mbj aujourd'hui à moins de 20 mbj en 2035.

Il va donc falloir réaliser des investissements importants dans le développement et la recherche de pétrole, ne serait-ce que pour rester aux niveaux de production actuels.

Dans ce contexte, la part de l'Opep dans la production mondiale de pétrole devrait atteindre 52%, contre 41% aujourd'hui. C'est un niveau qui n'a été atteint qu'une fois dans l'histoire, juste avant le premier choc pétrolier.

Risque-t-on donc de manquer de pétrole?

Parallèlement à la stagnation de l'offre de brut, nous prévoyons un fort développement des liquides de gaz naturel et du pétrole non conventionnel, (tiré) principalement (des) sables bitumineux canadiens, qui porteront la production mondiale à l'équivalent de 96 mbj en 2035.

Le gaz naturel pourrait connaître un âge d'or très bientôt. Cette énergie fossile sera meilleur marché et abondante, les gazoducs sont aisés à construire, et le gaz est comparativement plus favorable à l'environnement que le charbon.

La croissance de la production de gaz non conventionnel (gaz piégé dans la roche et demandant de nouvelles techniques d'extraction, ndlr), telle qu'on la constate actuellement aux États-Unis, devrait avoir lieu dans d'autres pays. D'ici 2035, environ un tiers de la production de gaz devrait venir de sources non conventionnelles.

La surabondance actuelle de gaz naturel au niveau mondial devrait donc perdurer encore 10 ans. Cela signifie qu'il y aura beaucoup de pression à la baisse sur les prix du gaz, ce qui est évidemment une bonne nouvelle pour les consommateurs.

Mais c'est peut-être une moins bonne nouvelle pour les énergies renouvelables?

Les énergies renouvelables prennent de plus en plus d'importance. Mais elles nécessitent aussi beaucoup de subventions. Nous estimons que celles-ci se montent à 57 milliards de dollars aujourd'hui et qu'elles pourraient dépasser les 100 milliards dès 2015.

Si le gaz, qui est leur principal concurrent pour la production d'électricité, devient bon marché et abondant partout, la vie des énergies renouvelables deviendra plus difficile. Cela est aussi vrai pour le charbon et les nouvelles technologies de capture du gaz carbonique (CO2).

Dans les économies développées, l'usage du charbon devrait décliner. Mais dans les 25 ans à venir, la Chine va construire 600 gigawatts (de capacités), soit environ 600 centrales au charbon, ce qui équivaut au parc actuel des États-Unis, du Japon et de l'Europe cumulés. Environ un tiers des émissions mondiales de CO2 viendront alors des centrales au charbon chinoises.

Quant au nucléaire, il va croître mais cette croissance ne sera pas révolutionnaire et interviendra presque essentiellement dans les pays (émergents): Chine, Russie, Inde...

- Propos recueillis par Antoine Agasse