Le premier ministre Stephen Harper affirme qu'il est dans «l'intérêt supérieur de l'économie canadienne» que l'entreprise PotashCorp (POT), de la Saskatchewan, ne tombe pas complètement sous le contrôle d'intérêts étrangers.

M. Harper a ainsi défendu hier à la Chambre des communes la décision inattendue de son gouvernement de bloquer la vente de PotashCorp, à BHP Billiton [[|ticker sym='BHP'|]], un géant minier anglo-australien. La transaction de près de 38,6 milliards US a soulevé une levée de boucliers en Saskatchewan, le premier ministre Brad Wall ayant même évoqué son intention de se rendre devant les tribunaux pour la faire avorter.

En vertu de la Loi sur les investissements, BHP dispose encore de 30 jours pour faire d'autres représentations auprès du gouvernement fédéral avant que la décision préliminaire, annoncée par le ministre de l'Industrie Tony Clement mercredi soir après la fermeture des marchés financiers, ne soit définitive.

«Le ministre (Clement) a écouté les inquiétudes et les préoccupations de tous les Canadiens et il a pris une décision. Je le félicite pour cette décision et je pense que tous les membres de ce gouvernement félicitent le ministre pour une décision prise dans les intérêts supérieurs de l'économie canadienne», a affirmé M. Harper.

Conscient que cette décision peut paraître aux antipodes de ce qu'il prêche au pays et à l'étranger en faveur du libre-échange et du libre marché, M. Harper a affirmé que le Canada demeure un pays ouvert aux investisseurs étrangers, mais qu'il y a des cas exceptionnels où le gouvernement fédéral doit intervenir. La possible mainmise d'intérêts étrangers sur PotashCorp fait partie de cette catégorie.

«Personne ne devrait avoir de doutes au sujet de la politique de notre gouvernement. En général, il est dans l'intérêt de l'économie canadienne d'avoir des investissements étrangers et de faire partie d'une économie mondiale ouverte. En même temps, nous avons des lois qui nous obligent à revoir des investissements afin de nous assurer qu'ils soient dans l'intérêt du pays. Quand ce n'est pas le cas, notre gouvernement n'hésitera pas à bloquer des transactions», a dit M. Harper.

Même si le gouvernement Harper a finalement cédé aux pressions du gouvernement de la Saskatchewan, de certains gens d'affaires, des partis de l'opposition et des 13 députés conservateurs de cette province de l'Ouest, le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, a accusé le premier ministre d'improviser dans ce dossier.

M. Ignatieff a rappelé que M. Harper semblait être plutôt favorable à cette transaction il y a deux semaines quand il a affirmé qu'il s'agissait d'une tentative d'une entreprise australienne de prendre le contrôle d'une société essentiellement américaine. C'est que PotashCorp est détenu à 51% par des intérêts américains.

«Il y a quelques semaines, questionné sur la vente de PotashCorp, le premier ministre disait qu'il se foutait que ce soit sous contrôle américain ou contrôle australien. Cela voulait dire qu'il était pour la vente de PotashCorp. Hier, le gouvernement a changé le cap et a dit non, mais d'attendre encore 30 jours s'il y a une meilleure offre de l'acheteur. Le premier ministre va-t-il mettre fin à cette histoire de zigzags et d'incompétence et dire clairement à la Chambre aujourd'hui que non, c'est non, à jamais non?» a lancé Michael Ignatieff.

M. Harper a soutenu qu'il respecte la Loi sur Investissement Canada en accordant un délai de 30 jours à BHP pour faire de nouvelles démarches. Le premier ministre a par ailleurs annoncé que cette loi qui guide le gouvernement fédéral dans son évaluation d'une offre d'achat d'une entreprise canadienne par des investisseurs étrangers sera réévaluée. Pour qu'une offre d'achat soit approuvée par Ottawa, il faut que cette transaction représente un «avantage net» pour le Canada, une clause que certains jugent trop floue.