Devant la levée de boucliers qu'a provoquée la tentative d'achat de la firme saskatchewanaise PotashCorp (T.POT) par la société australienne BHP Billiton (BHP), le gouvernement Harper a, contre toute attente, décidé de bloquer la transaction mercredi.

Le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a affirmé que cette transaction n'était pas dans l'intérêt supérieur du Canada. Toutefois, il donne un délai de 30 jours à la firme BHP Billiton pour faire une nouvelle proposition, après quoi il prendra une décision définitive.

Il semble toutefois peu probable que le ministre revienne sur sa décision à la lumière de la tempête politique que cette tentative d'achat a provoquée en Saskatchewan, où les conservateurs détiennent 13 des 14 sièges que la province compte aux Communes.

Le premier ministre de cette province, Brad Wall, allié naturel de Stephen Harper, était farouchement opposé à cette transaction, qu'il juge contraire aux intérêts de la Saskatchewan et du pays. M. Wall était prêt à contester la décision d'Ottawa devant les tribunaux si M. Clement y avait donné le feu vert.

«Le gouvernement fédéral est conscient de la valeur intrinsèque de l'industrie de la potasse pour le Canada et pour la population. Je dois évaluer l'offre d'achat en fonction de la Loi sur les investissements et de la politique économique en vigueur au pays», a dit M. Clement durant un point de presse, 90 minutes après la fermeture des marchés.

Le ministre, qui n'a pas répondu aux questions des journalistes, a dit avoir consulté toutes les parties intéressées pour prendre sa décision, y compris le gouvernement de la Saskatchewan et les dirigeants de BHP.

Craignant la réaction des investisseurs étrangers, M. Clement a ajouté: «Le Canada est et continuera d'être une nation commerçante qui favorise le libre marché. (...) Notre gouvernement a éliminé les tracasseries administratives et nous avons les taux d'imposition des sociétés les plus bas des pays du G7. Mais le Canada doit prendre les bonnes décisions lorsque les enjeux sont difficiles. Certaines décisions ne peuvent être prises qu'une seule fois, et elles sont sans retour.»

Fait rare

Depuis la création de la Loi sur les investissements, il y a 25 ans, c'est la deuxième fois seulement que le gouvernement fédéral l'invoque pour bloquer une transaction jugée contraire aux intérêts du pays. La première fois, c'était en 2008, et c'était aussi le gouvernement Harper: il avait empêché l'américaine Alliant Techsystems d'acheter la MacDonald Detwiller & Associates, de Vancouver, pour des raisons de sécurité nationale.

Le premier ministre de la Saskatchewan a poussé un soupir de soulagement en apprenant mercredi soir la décision du ministre Clement. «Le gouvernement fédéral a pris la bonne décision pour notre province», a affirmé Brad Wall.

Il a rappelé que 53% des réserves de potasse au monde se trouvent en Saskatchewan et que cette ressource naturelle, nécessaire pour la fabrication d'engrais, deviendra de plus en plus précieuse à mesure que changent les habitudes alimentaires dans les pays émergents comme la Chine et l'Inde.

Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, qui talonne le gouvernement Harper depuis des semaines sur cette question, a dit espérer que la décision du ministre de l'Industrie soit définitive: «Il reste encore 30 jours. Nous croyons que la porte doit être fermée à double tour sur cette transaction.»

«C'est une victoire pour les gens de la Saskatchewan», a quant à lui déclaré le chef du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, qui entend maintenir la pression pour que la décision ne change pas.

Les chefs des gouvernements du Québec, de l'Alberta et du Manitoba avaient aussi fait part de leur opposition à cette transaction.

BHP Billiton était prête à verser à verser 38 milliards de dollars américains aux actionnaires de PotashCorp.