Le démantèlement de la raffinerie Shell de Montréal-Est est «quasi inévitable» et ne mettra pas en péril la sécurité énergétique de la province, tranche la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau.





Jetant une douche froide sur les derniers espoirs du syndicat des quelque 800 travailleurs de la raffinerie, qui souhaitaient une intervention musclée du gouvernement, la ministre Normandeau estime qu'«on a aujourd'hui fait le tour du jardin». La recherche d'un acheteur pour la raffinerie, entamée il y a huit mois par un comité mis sur pied par Québec et dirigé par Michael Fortier, s'est soldée par un échec lundi. Shell et le seul acheteur encore en lice, Delek, ont publié un communiqué commun annonçant la fin des négociations.



«On était conscient depuis le début qu'on faisait face à des vents contraires, a admis en entrevue téléphonique la ministre des Ressources naturelles. On travaillait contre une tendance lourde, qui veut que le secteur du raffinage se concentre davantage dans des installations de plus forte capacité. C'est un grand mouvement mondial, qui fait en sorte que la difficulté de trouver un acheteur était encore plus grande.»

«Je vais être très réaliste et très franche avec vous: ça fait un an qu'on travaille sur ce dossier-là, et on estime que le démantèlement est quasi inévitable.»

Mme Normandeau a toutefois assuré qu'elle ne signerait aucun document autorisant le démantèlement tant qu'elle ne disposerait pas des garanties nécessaires. Shell souhaite dès la mi-septembre transformer sa raffinerie en terminal d'essence. Selon le plan d'approvisionnement déposé par l'entreprise cet été au Ministère, 60% de cette essence proviendrait de l'extérieur du Canada. «Nous avons besoin de savoir qui sont les acteurs qui vont approvisionner Shell. Où sont-ils situés? On veut avoir accès aux lettres, aux ententes écrites.»

«Effet domino»

La disparition de la raffinerie, même si elle représente un drame pour des centaines de travailleurs, ne causera pas une pénurie au Québec, assure la ministre.

Les Québécois consomment quotidiennement 400 000 barils d'essence, et les trois raffineries existantes en produisent 520 000. Sans Shell, on atteint une capacité de production de 390 000 barils par jour.

«Juste avec un calcul comme celui-là, on constate que notre sécurité énergétique n'est pas compromise. Par contre, on peut légitimement se questionner sur la qualité des approvisionnements. C'est pour ça qu'on pose des questions de nature très pointue à Shell sur la provenance des produits qu'elle importera. On veut s'assurer que les produits livrés soient fiables.»

Cette sortie de la ministre Normandeau a fait bondir le président du syndicat des travailleurs de la raffinerie Shell de Montréal-Est, Jean-Claude Rocheleau. «C'est un nouveau discours de la part du gouvernement du Québec. Je suis déçu d'entendre ça. Je trouve ça vite comme décision, sans consultation auprès de personne.»

Son syndicat a demandé mercredi une rencontre avec la ministre, qui n'a toujours pas été confirmée. «J'aimerais ça l'entendre de sa bouche. Et j'aimerais ça voir les chiffres, parce que je ne suis pas d'accord avec cet énoncé que la sécurité énergétique n'est pas compromise.»

Suncor menacée

Selon M. Rocheleau, la ministre ne tient pas compte de l'«effet domino» qu'il a souvent évoqué: après la fermeture de l'établissement de Shell, la raffinerie voisine appartenant à Suncor verrait ses coûts de production augmenter considérablement, et sa survie menacée. Cette raffinerie a une capacité légèrement supérieure à celle de Shell, avec 134 000 barils par jour.

«Le président de Suncor a déjà dit que dans deux ans, il réévaluerait la position de la raffinerie de Montréal, rappelle-t-il. Une fois la décision prise, il n'y a plus de façon de revenir en arrière et dire qu'on s'est trompés. Quand les raffineries vont être démolies, elles vont être démolies, on n'en bâtira pas d'autres. Une décision comme celle-là mérite des consultations publiques.»