L'industrie forestière reçoit un autre coup de pouce d'Ottawa: 100 millions$ sur quatre ans pour aider les entreprises canadiennes à investir dans de nouvelles technologies de production.

Cet argent vise ultimement à soutenir les entreprises à développer des biocarburants et des produits forestiers non traditionnels comme des bioplastiques, des produits biochimiques ainsi que de nouveaux matériaux de construction comme les panneaux composites.

Le ministre des Ressources naturelles, Christian Paradis, et le ministre d'État de l'Agence de développement économique du Canada, Denis Lebel, ont fait l'annonce de ce programme de financement lundi, à Ottawa.

L'argent mis de côté pour cette initiative avait été prévu dans le budget de 2010.

Réitérant que l'effondrement de la demande de bois de construction et de celle des pâtes et papiers force l'industrie à trouver, non seulement de nouveaux marchés mais aussi de nouveau produits pour survivre, M. Paradis estime que les investissements rendront le secteur plus viable économiquement et plus durable au plan environnemental.

«Au niveau des nouveaux produits, il y a de la recherche qui se fait mais on dirait qu'il y a un trou entre la recherche et la mise en marché. Et c'est justement là que notre support peut intervenir», a souligné M. Paradis.

Pour se qualifier pour l'aide gouvernementale, les entreprises devront présenter un projet nécessitant un investissement dans un nouveau procédé de fabrication qui utilise des résidus de fibre de bois. Le programme fédéral va aider uniquement les entreprises déjà existantes.

Les fonds rendus disponibles pour l'innovation ont d'ailleurs été bien accueillis par l'Association des produits forestiers du Canada.

«L'annonce confirme que le gouvernement canadien reconnaît que les emplois au sein de l'industrie forestière ne pourront être conservés que si celle-ci se transforme, et qu'il est prêt à y participer», a déclaré Avrim Lazar, président et chef de la direction de l'Association.

Mais le Syndicat des communications, de l'énergie et du papier estime que les sommes allouées par le gouvernement sont nettement insuffisantes pour que les entreprises puissent prendre un virage aussi important et changer non seulement leur procédé de fabrication, mais aussi le type de produits mis en marché.

«Chaque fois qu'il s'ajoute un dollar pour l'industrie, c'est toujours un plus», a indiqué Renaud Gagné, le vice-président du syndicat qui représente 80 pour cent des travailleurs du secteur forestier au Canada.

«Cent millions $ sur quatre ans pour tout le Canada c'est vraiment des 'pinottes'. Pour modifier une machine à papier journal pour du carton ou de nouveaux créneaux, ça peut coûter 25, 30, 40 millions pour une seule usine», a-t-il expliqué.

Guy Chevrette, le président du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ) opine.

Il salue la décision du gouvernement d'investir dans des projets novateurs mais estime qu'Ottawa ne s'attaque pas au réel problème.

Il déplore ainsi que le gouvernement refuse toujours d'accorder des garanties de prêt aux entreprises qui manquent gravement de liquidités pour fonctionner ou investir dans quoi que ce soit.

«Il ne faudrait pas que ce soit des projets de trop grande envergure. Il ne faut pas oublier que l'industrie doit mettre 50 pour cent du projet en garantie. Donc pour un projet de 50 millions, il faut qu'elle mette 25 millions alors que les garanties sont rares dans l'industrie, surtout au Québec», fait-il valoir.

À cela, le ministre Lebel oppose que de telles garanties de prêt risqueraient de contrevenir à l'Accord sur le bois d'oeuvre conclu avec les États-Unis.

Faux, réplique M. Chevrette, expliquant que du moment que les prêts sont faits à un taux commercial et non privilégié, l'Accord n'est pas violé. «Le gouvernement a peur d'avoir peur», conclut-il.

Ayant annoncé récemment plusieurs projets favorisant les nouvelles technologies et les produits novateurs dans le secteur forestier, le gouvernement fédéral se défend néanmoins de mettre de côté les secteurs plus traditionnels comme les pâtes et papiers et le bois de construction.

Parmi les diverses initiatives d'Ottawa envers l'industrie forestière, un autre 100 millions $ avait été dédié en avril dernier pour soutenir les collectivités qui ont souffert de la crise forestière.

L'industrie canadienne des produits forestiers, dont le chiffre d'affaires atteint 54 milliards de dollars par année, représente près de 2 pour cent du PIB du Canada.

L'industrie est l'un des plus gros employeurs du pays et procure des centaines de milliers d'emplois directs et indirects.

Selon le président du CIFQ, plus de 50 000 Québécois ont perdu leur emploi dans ce secteur depuis 2005.