Il n'y pas une entreprise, eut-elle une valeur de 65 milliards US, sur laquelle la météo n'a pas autorité. Car c'est bien la météo du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui amputera de 100 millions US les bénéfices de Rio Tinto (RTP), s'attend la direction de l'entreprise. Et qui force sa filiale Alcan à négocier avec Hydro-Québec l'achat d'un bloc d'énergie supplémentaire.

> Suivez Hugo Fontaine sur Twitter

Les faibles précipitations de neige et de pluie depuis le début de l'année ont lourdement affecté l'efficacité des six centrales que possède Alcan. «Nous sommes dans une situation préoccupante, explique à La Presse Affaires le porte-parole de Rio Tinto Alcan, Bryan Tucker. Nos centrales ont réduit la production au minimum.»

La société se voit donc dans l'obligation de demander le secours d'Hydro-Québec pour la prochaine année, sans quoi elle devra réduire la production de ses alumineries.

En fait, Hydro-Québec soutient déjà Alcan en lui fournissant plus d'énergie qu'à l'habitude depuis le mois de mars, en vertu des deux ententes entre la multinationale et la société d'État.

La première prévoit un échange d'énergie entre Alcan et Hydro. Quand les centrales d'Alcan fournissent au-delà de leurs besoins, Hydro-Québec achète les surplus d'électricité. Quand les centrales d'Alcan ne suffisent pas à la tâche, comme c'est le cas actuellement, Hydro-Québec compense le manque.

La deuxième entente est un contrat de vente en bonne et due forme représentant un maximum d'environ 350 mégawatts au tarif L réservé aux grandes industries (environ 4,79 cents le kilowattheure).

Or, le temps chaud et sec a poussé Alcan à la limite de ces deux ententes. L'entreprise doit donc négocier un nouveau contrat d'achat d'électricité avec Hydro. Le contrat serait temporaire afin de pallier une situation qu'Alcan qualifie d'exceptionnelle. Hydro a reçu la bénédiction du ministère des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, pour en arriver à un accord avec Alcan.

Le réseau électrique de Rio Tinto Alcan fournit généralement 90% de l'énergie consommée par ses alumineries québécoises. Les 10% manquant proviennent d'Hydro-Québec, à qui Alcan achète en moyenne 160 MW par année. Les centrales d'Alcan, sur les rivières Péribonka et Saguenay, ont une capacité de production moyenne d'un peu plus de 2000 MW.

Selon des informations rapportées par Le Quotidien, le niveau des deux «réservoirs d'amont» d'Alcan (le lac Manouane et le réservoir de Passes-Dangereuses, tous deux situés au nord du lac Saint-Jean) a atteint des creux historiques. Il manquerait environ 600 millimètres d'eau. Le niveau du lac Saint-Jean est aussi anormalement bas.

Dans sa revue des activités du deuxième trimestre, publiée hier, Rio Tinto indique que la situation saguenéenne aura un impact négatif de 100 millions US dans la colonne des bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA). En 2009, Rio Tinto a enregistré un BAIIA global de 14,3 milliards US.

La multinationale souligne aussi l'explosion de deux transformateurs électriques à l'usine de Laterrière, au début du mois. L'usine fonctionne actuellement à 50% de sa capacité, et ne pourra pas augmenter le rythme avant de trois à six mois, a confirmé Bryan Tucker, de Rio Tinto Alcan. La société n'a pas chiffré les pertes associées à cet incident.

Au deuxième trimestre, terminé le 30 juin, Rio Tinto a augmenté sa production d'aluminium de 1% par rapport au trimestre correspondant en 2009. Le groupe s'attend à produire 3,7 millions de tonnes d'aluminium en 2010, comparativement à 3,8 millions l'an dernier.

Le titre de Rio Tinto à la Bourse de Londres est resté stable hier, à 3134,50 pences.

Hydro-Québec prudente

Le temps chaud et sec qui a placé la filiale Énergie électrique d'Alcan dans les câbles touche aussi Hydro-Québec. Mais la société d'État dispose d'une plus grande flexibilité, explique le porte-parole d'Hydro- Québec, Marc-Brian Chamberland. «Nous avons 26 réservoirs et, contrairement à Alcan, certains d'entre eux peuvent se gérer sur plusieurs années.» Hydro peut donc «stocker» l'eau des dernières années, ce que ne peut pas faire Alcan. Mais les stocks sont moins importants qu'à l'habitude, confirme M. Chamberland. «Nous poursuivons nos exportations, mais de manière plus prudente.» La situation n'affecte pas la capacité d'Hydro à fournir un nouveau bloc d'énergie à Alcan.