On a longtemps cru que le développement économique pouvait se faire sans se soucier de l'environnement. Mais au moment où la planète commémore les 25 ans de la catastrophe de Bhopal et regarde des communautés entières se battre contre une marée noire dont il faudra des années à se relever, le mirage ne tient plus, ont dit hier les décideurs réunis à la Conférence de Montréal.

«Le message est très clair: si nous continuons dans cette dangereuse illusion, dans cette croissance effrénée irrespectueuse de la nature, nous allons atteindre très vite le seuil de l'irréparable», a averti Ahmed Djoghlaf, secrétaire général de la Convention sur la diversité biologique.

La fuite de pétrole causée par British Petroleum dans le golfe du Mexique, ironiquement survenue en pleine année de la biodiversité, a été évoquée à maintes reprises hier comme le symbole de ce qui ne tourne pas rond dans l'économie actuelle. Et de ce qui doit changer pour engager la reprise économique mondiale sur une voie durable tant financièrement qu'écologiquement.

«J'espère qu'au sommet du G20, qui se tiendra bientôt au Canada, les leaders auront la sagesse non seulement de prendre les mesures pour retrouver la croissance économique, mais aussi celles qui permettront de connecter les bénéfices de cette croissance économique aux problèmes de pauvreté et d'exclusion sociale et aux défis des changements climatiques», a lancé Alejandro Toldeo, ancien président du Pérou qui dirige aujourd'hui le Global Center for Development and Democracy.

«La crise économique et financière que nous traversons est tout à fait unique parce qu'elle se double d'une crise environnementale. (...) Plusieurs États développés remettent en question la croissance effrénée, à tout prix, et misent plutôt sur les occasions offertes par l'émergence d'un nouvel ordre économique mondial: celui du développement durable et de l'économie verte», a aussi dit la ministre québécoise de l'Environnement, Line Beauchamp.

Après avoir entendu parler d'économie verte toute la matinée, le secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), Angel Gurria, a paru changer de registre lorsqu'il a livré un plaidoyer pour l'innovation.

Or, il n'en était rien.

Parce que l'innovation, selon lui, est justement ce qui permettra de s'attaquer aux problèmes de longue haleine, comme les changements climatiques, la faim dans le monde et les maladies.

«La croissance verte sera un dérivé de l'innovation», a-t-il dit, révélant que l'OCDE planche justement sur une stratégie concernant l'économie verte.

M. Gurria craint comme la peste que les gouvernements endettés ne choisissent de retirer leur soutien à l'innovation pour retrouver l'équilibre budgétaire.

«Ce serait une erreur, a-t-il averti. Ces coupes apportaient un soulagement fiscal à court terme, mais si elles sont faites au mauvais endroit, elles nuiront à la croissance à long terme.»

Selon lui, les pays industrialisés doivent aujourd'hui «redémarrer» leur économie par l'entremise de l'innovation pour augmenter leur productivité. Et M. Gurria avait un message à livrer au Canada sur le sujet.

«Le Canada est comme un élève qui a un devoir important à faire, mais qu'il traîne depuis longtemps, et ce devoir est précisément de se rattraper au chapitre de la productivité. Et clairement, l'innovation est un outil de choix pour améliorer la productivité.»