Une intervention dont le succès n'est pas garanti... et qui pourrait même empirer la situation. Il ne s'agit pas de la nouvelle tentative de BP (BP) pour colmater son puits de pétrole, mais bien de la vaste campagne publicitaire que la pétrolière vient de mettre en branle pour redorer son image.

Nouvelles pubs à la télé, pleines pages dans les journaux, paiements versés à Google pour que son engin de recherche retourne le site officiel de la pétrolière avant celui des sites d'information: BP multiplie les offensives pour sauver son image entachée par la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique. Mais, selon les experts, cette nouvelle campagne pourrait se retourner contre l'entreprise.

«BP a commencé en gérant très bien la crise. Ensuite, il y a eu une période plus difficile. Là, ils sont en rattrapage intensif et mettent tous les moyens de l'avant», observe Paul Wilson, spécialiste de gestion de crise et président de Wilson communications et relations publiques, qui craint toutefois les dommages collatéraux d'une campagne à ce point-ci.

«J'ai l'impression qu'ils vont s'attirer les critiques: ils ont l'air de vouloir mettre plus l'accent sur la gestion de leur image que sur la gestion de la brèche», dit le spécialiste.

«Une entreprise a un devoir de communiquer, mais c'est un peu étonnant qu'ils aient besoin de pubs pour le faire, dit aussi Gary Arpin, du cabinet de relations publiques National. BP a tous les micros et les caméras du monde braqués sur elle. Je ne suis pas sûr de la pertinence de lancer une campagne maintenant.»

Barack Obama, un autre qui doit gérer son image depuis la catastrophe, a déjà lancé des flèches à BP vendredi dernier pour avoir investi une somme estimée à 50 millions de dollars dans une campagne de publicité pour la télévision.

Les humoristes américains ont repris l'affaire, l'un d'eux suggérant que BP aurait mieux fait d'engouffrer les billets de banque dans le puits pour bloquer la fuite.

Un président visible

La dernière pub télé de PB, disponible sur son site web, montre le président, Tony Hayward, qui se dit «profondément désolé» de la situation.

BP donne beaucoup de visibilité à son président, peut-être pour éviter l'erreur de Toyota. Le constructeur avait été critiqué lors des rappels de voitures parce que son président était invisible, donnant l'impression de se défiler.

Paul Wilson souligne toutefois que la pétrolière a encaissé un dur coup quand elle a semblé vouloir tromper la population sur le nombre de litres de pétrole crachés chaque jour dans le golfe du Mexique.

«Dans des cas comme ça, la transparence est cruciale», dit-il. Le président de BP a aussi paru manquer de compassion envers les victimes lorsqu'il a dit en pleine télévision qu'il avait hâte de «retrouver sa vie». «Un vrai gâchis en deuxième moitié d'exercice», résume M. Wilson.

Payer Google

BP a aussi payé Google et d'autres moteurs de recherche pour qu'un internaute qui tape des mots anglais comme «BP», «fuite de pétrole» et «poursuite légale» voit le site officiel de BP apparaître en haut de la liste.

«L'intention est que les gens les plus touchés puissent nous joindre et trouver l'information dont ils ont besoin», a expliqué hier une porte-parole de BP à La Presse Affaires.

Une façon de contrôler le message? «Contrôler, c'est un grand mot. Disons que ça leur permet de communiquer leur message», dit Jean-François Guertin, professeur de marketing à l'Université de Sherbrooke, qui estime cette stratégie «excellente» considérant que plus de 80% des Américains surfent aujourd'hui sur l'internet.

Selon Paul Wilson, BP se trouve un peu entre l'arbre et l'écorce: elle doit rassurer ses actionnaires en ne dévoilant pas trop d'informations négatives, mais doit informer adéquatement le public et les autorités.

«Ce n'est pas une crise typique, dans le sens où elle perdure et qu'on n'en voit pas l'aboutissement», ajoute aussi M. Guertin à la décharge de BP.