Après le processus de nomination des juges, c'est au tour de l'indépendance de la Régie de l'énergie d'être remise en question. Ça ne se passe pas devant la commission Bastarache, mais plutôt en Cour supérieure.

Les régisseurs de la Régie de l'énergie n'ont pas l'indépendance nécessaire pour contrôler le monopole qu'est Hydro-Québec dans l'intérêt des consommateurs d'électricité, soutient la division québécoise de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), qui conteste devant le tribunal plusieurs décisions de la Régie liées à aux tarifs d'électricité.

Contrairement au Tribunal administratif du Québec, il n'y a pas de critères ni de comité de sélection pour les membres de la Régie de l'énergie, explique Martine Hébert, la vice-présidente pour le Québec de la FCEI, un regroupement de 24 000 PME.

Les régisseurs sont nommés par le gouvernement, et aucune expertise particulière n'est requise. «N'importe qui peut être nommé, pour des mandats très courts (d'un à cinq ans) et à des salaires variables», précise-t-elle. Ils sont donc à la merci du gouvernement et ne peuvent pas exercer leurs mandats avec impartialité, soutient la FCEI.

«On croit à la Régie, mais on croit que le processus de nomination n'offre pas toutes les garanties d'indépendance institutionnelle qu'elle devrait avoir», résume la porte-parole de la plaignante.

La Régie de l'énergie a été créée en 1997. Même si sa responsabilité s'étend au gaz naturel et aux produits pétroliers, son principal rôle est de défendre les intérêts des consommateurs face au monopole d'Hydro-Québec, une entreprise qui appartient au gouvernement.

Dans la cause soumise à la Cour supérieure, la FCEI n'accuse aucun des membres de la Régie, à titre personnel, de partialité. On sait toutefois que, depuis 2003, il n'y a plus de procédure de sélection et de recrutement des régisseurs à la Régie de l'énergie, comme c'était le cas lors de la nomination de la première série de régisseurs en 1997.

L'actuel président de la Régie de l'énergie, Jean-Paul Théorêt, est un ancien député libéral, qui a fait carrière dans le secteur de l'alimentation. Son prédécesseur, Jean A. Guérin, avait une expérience du secteur de l'énergie, notamment à la Société québécoise d'initiatives pétrolières (SOQUIP), mais quand il a quitté la Régie, en 2002, il est passé à l'emploi d'Hydro-Québec.

Depuis le début de ses activités, la Régie n'a pas souvent pris de décisions allant à l'encontre des intérêts d'Hydro-Québec et de son actionnaire gouvernemental. Récemment, dans une cause très attendue, la Régie a rejeté tous les arguments du gouvernement de Terre-Neuve qui s'est vu refuser l'accès au réseau de transport d'Hydro-Québec pour exporter son électricité.

Dans la cause qu'elle a soumise au tribunal et qui est maintenant en délibéré, la FCEI reproche d'ailleurs à la Régie de l'énergie d'intervenir auprès de la cour, ce qui revient à soutenir le point de vue d'Hydro-Québec.

«Comment la Régie s'acquitte-t-elle de son obligation d'impartialité si elle intervient agressivement devant les tribunaux judiciaires aux côtés d'Hydro-Québec, la compagnie la plus importante de toutes les compagnies oeuvrant dans l'industrie de l'énergie au Québec?» demande l'avocat André Turmel, qui représente la FCEI dans cette cause.