Cette année, les États-Unis investiront 32$ par habitant dans les énergies renouvelables. Le Canada, pendant ce temps, y misera moins de 2$ - un sous-financement chronique qui a déjà coûté 66 000 emplois au pays depuis deux ans, dénonce un groupe formé de syndicats et d'environnementalistes.

Dans une alliance symbolique baptisée Blue Green Canada, le syndicat des Métallos et le groupe écologiste Environmental Defence ont dévoilé hier un rapport qui relance le débat sur la pertinence pour les gouvernements d'investir dans les énergies vertes.

 

«Le gouvernement canadien dit constamment qu'il va harmoniser ses politiques concernant l'énergie et le climat sur celles des États-Unis. Sauf que quand vient le temps d'investir dans les emplois liés aux énergies propres, il très loin des efforts américains», dit Gillian McEachern, directrice du programme pour le climat et l'énergie au sein de Environmental Defence.

Si le Canada avait investi autant par habitant que son voisin du Sud, c'est 4,3 milliards de plus en deux ans qui auraient été injectés dans les énergies vertes, selon les chiffres de Blue Green Canada. Et comme chaque million investi dans le secteur génère une quinzaine d'emplois, le fédéral aurait ainsi laissé filer 66 000 emplois.

Le groupe montre aussi, que toutes proportions gardées, le gouvernement fédéral canadien investit beaucoup moins que le gouvernement américain dans l'efficacité énergétique et le transport vert, pour un manque à gagner supplémentaire de 11,5 milliards en deux ans.

Notons que ces chiffres ne tiennent compte que des investissements fédéraux et excluent les efforts des provinces canadiennes et des États américains. Jean-Thomas Bernard, spécialiste en énergie et professeur à l'Université Laval, ne remet pas en question les chiffres de Blue Green Canada. Il souligne cependant qu'il est normal que le Canada investisse moins en énergies renouvelables que son voisin du Sud, puisque 75% de son énergie provient déjà de sources qui n'émettent déjà pas de gaz à effet de serre.

«Il y a plus d'efforts à faire aux États-Unis», note M. Bernard.

Mais, selon Gillian McEachern, d'Environmental Defence, la question va au-delà de l'amélioration du portefeuille énergétique canadien.

«On prévoit que l'énergie propre deviendra le troisième secteur industriel en importance dans le monde dans la prochaine décennie, dit-elle. Si on n'embarque pas là-dedans, on rate la prochaine révolution industrielle.»

M. Bernard n'en est pas si sûr. Il montre l'exemple de l'Ontario, qui a décidé de payer le gros prix aux producteurs d'énergie renouvelable pour les attirer chez lui. La recette fonctionne et les manufacturiers du monde entier accourent. Le hic, c'est que la facture d'électricité augmente.

Si Gillian McEachern applaudit la stratégie ontarienne, M. Bernard croit qu'elle risque plutôt de «dé-industrialiser» l'Ontario. «Il n'y a pas grand industrie qui fait un grand usage de l'électricité qui va accepter de vivre longtemps avec des prix d'électricité comme ceux qui s'en viennent en Ontario», croit le spécialiste, qui doute aussi de la durabilité des emplois créés à grands coups de deniers publics. «Je ne veux pas être prophète de malheur, mais l'avenir manufacturier de l'énergie solaire, il est en Chine. Tout ce qui demande beaucoup de main-d'oeuvre, on ne pourra pas concurrencer les salaires.»

Pas de doute: le débat ne fait que commencer autour des investissements dans les énergies renouvelables.