Après un boom dans les années 70 et une extinction dans les années 80, l'exploration uranifère au Québec est revenue à la vie au XXIe siècle, à la faveur de l'explosion du prix de la ressource.

Tant et si bien que l'exploration d'uranium représentait 12,5% des dépenses d'exploration minière au Québec en 2009, pour un total de 43,5 millions. Elles ont même atteint 87 millions en 2008, alors qu'elles totalisaient en 2000 la somme de... 1438$.

Malgré un prix qui s'est retranché autour de 40$US la livre (au lieu de 140$ en 2007), les perspectives pour l'uranium sont encourageantes. Encore faut-il mettre la main sur le précieux minerai. C'est là que le Québec attire l'attention.

«La Saskatchewan produit 20% de l'uranium mondial, mais tous les gisements faciles ont été trouvés», observe Jean-Marc Lulin, président et chef de la direction d'Exploration Azimut. De son côté, le Québec reste peu exploré, malgré le grand boom d'il y a deux ans. Mais il compte sur plusieurs régions potentiellement riches.

«L'uranium est une industrie encore naissante au Québec, note Éric Lemieux, analyste minier chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Mais je crois qu'on peut devenir un joueur du marché. On a des cibles qui peuvent devenir rentables. Mais ça va prendre une volonté des entrepreneurs, du politique et du social.»

Les entrepreneurs répondent certainement présent. C'est le cas d'Azimut, le plus important détenteur de titres miniers au Québec avec 20 000 titres, qui fournissent le droit d'explorer un terrain. Cette société spécialisée dans la génération de projets utilise un système de données géonumériques appliquées au territoire québécois. Avant d'aller sur le terrain, elle étudie les données afin de réduire le nombre de cibles possibles.

Une fois la cible confirmée sur le terrain, Azimut vise des partenariats avec des plus gros joueurs pour développer les sites. «En six ans, nous avons 25 ententes de partenariat avec 12 sociétés, souligne M. Lulin, ancien chef-géologue de la SOQUEM. Nous réduisons le risque technique avec notre méthode de ciblage, et nous réduisons le risque d'affaires avec ces partenariats.»

Azimut, dont 40% du portefeuille de titres est composé d'uranium, se concentre sur des indices minéraux qui ne sont pas déjà connus. «On a ouvert des régions complètes à l'exploration», se réjouit M. Lulin.

Les principales cibles uranifères d'Azimut sont situées dans le Nord-du-Québec et surtout à l'est de la Baie d'Ungava (projet North Rae).

Plus de 220 projets

Le Québec compte plus de 220 projets d'exploration d'uranium, soit presque autant qu'en Saskatchewan, selon Intierra Resource Intelligence.

Mais le Québec ne deviendra pas la nouvelle Saskatchewan. Dans le bassin de l'Athabasca, les teneurs d'uranium atteignent 12%. Au Québec, les teneurs restent généralement sous les 1%. Au lac Kachiwiss, où Terra Ventures avait fait des travaux d'exploration qui ont suscité l'ire de la population de Sept-Îles, la teneur est de 0,015 %.

«Le Québec, c'est surtout des gros gisements à petite teneur, explique Yves Rougerie, président et chef de la direction de Ressources Abitex. On peut sauver de l'argent sur le coût d'exploitation à la tonne. Mais le coût de construction est énorme. Ça prendra pour ces projets le prix le plus élevé.»

Mais il semble y avoir une exception, au coeur même de la province: les Monts Otish, où sont présents les géants Cameco et Areva, de même qu'Abitex et Strateco, avec son projet Matoush. Les teneurs de ce dernier projet varient entre 0,34 et 0,89% d'uranium.

«Ce qui est bien dans les monts Otish, c'est la teneur, dit M. Rougerie. Le problème, c'était la taille. Mais Strateco semble prouver que ça peut y être aussi. C'est un peu ce que nos résultats montrent aussi sur la propriété Lavoie.»

Abitex travaille depuis 2008 sur la propriété Lavoie, à un peu plus de 60 km au nord-est de Matoush. Elle appartient à parts égales à Areva Canada et la SOQUEM, filiale de la Société générale de financement du Québec. Mais Abitex détient une option d'acquisition de la moitié des parts de chaque propriétaire.

«Les résultats récents sont très bons et très encourageants, dit Yves Rougerie. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres, mais ça va dans la bonne direction.»

Les dernières estimations d'Abitex font état d'un total de 13 millions de livres de ressources indiquées et inférées. Mais même dans le meilleur des mondes, il n'est pas question de mine avant 8 ans.

M. Rougerie croit que le potentiel des Monts Otish pourrait atteindre 100 millions de livres (l'équivalent d'un an de production mondiale), même beaucoup plus s'il y a d'autres découvertes.

CLAVARDAGE

Le Québec, l'uranium et le nucléaire: clavardez avec notre journaliste lundi midi sur lapresse.