Près de 25 ans après le traumatisme de Tchernobyl, l'industrie nucléaire est en voie de retrouver sa place parmi les options de choix d'une planète en mal d'énergie. Cette «renaissance nucléaire» entretient l'effervescence autour de l'uranium, dont on anticipe une pénurie. Un phénomène qui a ramené à l'ordre du jour le potentiel québécois.

La demande croissante d'énergie de même que l'importance grandissante de la lutte contre les changements climatiques - les centrales n'émettent pas de CO2 - semblent favoriser le nucléaire.

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À la fin de 2009, il y avait une cinquantaine de réacteurs en construction dans le monde, et 130 autres qui devraient être construits dans la prochaine décennie. La capacité nucléaire mondiale de 373 gigawatts pourrait décupler d'ici 2060, selon l'Association nucléaire mondiale (ANM), qui représente l'industrie.

L'engouement est mondial. La Chine veut multiplier par six sa capacité nucléaire d'ici 2020. L'Inde voudrait construire de 20 à 30 réacteurs dans la même période. Selon son premier ministre, Manmohan Singh, le nucléaire produira de 30 à 50% de l'énergie indienne en 2050, comparativement à 3% actuellement.

Au Royaume-Uni, le nucléaire est de retour dans les bonnes grâces du gouvernement, qui va renouveler son parc de réacteurs.

En mars 2009, le premier ministre, Gordon Brown, a déclaré que, pour s'attaquer au problème des changements climatiques, il faudrait faire de plus en plus appel à l'énergie nucléaire, «que ça nous plaise ou non».

Aux États-Unis, Barack Obama a accordé 8 milliards US en garanties de prêts pour la construction de deux réacteurs nucléaires en Géorgie. Cela permet de faire revivre une filière nucléaire en dormance depuis l'accident de Three Mile Island, en 1979.

Pénurie en vue

Les premiers signes de la renaissance du nucléaire ont amené le prix de 8$US à 140$US la livre de 2004 à 2007. Car, pour alimenter une relance du nucléaire, il faut du combustible, et ce combustible se nomme uranium.

Le prix de l'uranium a fondu au moment du krach des métaux, mais il n'a pas repris la même vigueur que les autres métaux (il est autour de 41$US actuellement). Sa remontée ne saurait tarder, puisque la majorité des experts anticipent une pénurie.

En 2008, la production annuelle mondiale d'uranium s'élevait à près de 44 000 tonnes, selon des données de l'ANM. Or, il en faut 69 000 tonnes seulement pour répondre aux besoins des réacteurs actuels. Pour l'instant, les sources secondaires de combustible, comme le démantèlement des arsenaux militaires, permettent de soutenir 40% de la consommation des centrales. Mais ces sources s'épuisent.

La base de ressources d'uranium que contient la planète est suffisante pour répondre aux besoins futurs. Mais la croissance de l'offre minière risque de ne pas être assez rapide en raison des délais requis pour découvrir et mettre en exploitation de nouvelles ressources, selon l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire et l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Dans l'édition 2010 du Global Mining Finance, la firme Haywood Securities fait le même constat. «Dans les trois à cinq prochaines années, il y aura peu de nouveaux producteurs, ce qui soutient notre position haussière sur l'uranium, d'autant plus que les clients voudront diversifier leur approvisionnement.»

«On est peut-être dans le creux du prix de l'uranium, estime Éric Lemieux, analyste minier chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Il y aura une reprise. Sans retrouver les prix de 2007, je pense qu'on peut envisager une fourchette de 60 à 90$US la livre dans un horizon de deux à quatre ans.»

Ces perspectives ont relancé l'intérêt des explorateurs et des promoteurs du secteur minier pour l'uranium.

Entre 2004 et 2007, les dépenses mondiales d'exploration d'uranium sont passées de moins de 50 millions US à plus de 350 millions US. Plus de 500 sociétés d'exploration d'uranium sont nées sur la planète.

Le Québec est l'une des cibles de choix des explorateurs, qui s'activent dans plusieurs régions de la province.

EN CHIFFRES

 

438

Nombre de réacteurs en activité dans le monde

539

Réacteurs en construction, planifiés ou envisagés d'ici 2030

Source: Association nucléaire mondiale