Si la transaction entre le Québec et le Nouveau-Brunswick a échoué, ce n'est pas à cause de l'opposition de la population mais bien parce qu'Hydro-Québec voulait modifier les termes de l'entente de principe, a affirmé hier le premier ministre du Nouveau-Brunswick.

Une explication qui ne tient pas la route, selon Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et spécialiste en énergie. Il estime plutôt que le premier ministre Charest a fait une fleur à son homologue du Nouveau-Brunswick en lui permettant d'imputer l'échec de la transaction à Hydro-Québec.

En conférence de presse à Fredericton hier, Shawn Graham a précisé que le barrage de Mactaquac posait des problèmes à Hydro-Québec, qui n'a pas l'expertise de ce genre d'ouvrages en milieu habité. «C'est comme un mécanicien qui répare des Ford et qui doit changer de marque. Ils n'ont pas cette expertise», a expliqué le premier ministre du Nouveau-Brunswick.

Pour compenser ce manque d'expertise, Hydro a demandé au Nouveau-Brunswick d'assumer une plus grande part de risque dans la réfection prévue de cet ouvrage et nous avons refusé, a ajouté M. Graham.

Hydro-Québec n'a pas contesté cette explication et n'a voulu émettre aucun commentaire sur l'échec de la transaction.

Pour le professeur Pierre-Olivier Pineau, toutefois, il est très clair que la transaction a échoué parce que le gouvernement du Nouveau-Brunswick n'a pas réussi à la faire accepter par la population. Le gouvernement de Jean Charest a tenu à rester en bons termes avec le Nouveau-Brunswick, où Hydro-Québec veut continuer d'écouler ses surplus d'électricité, avance-t-il.

Selon lui, c'est un échec très décevant pour Hydro, qui serait devenue le seul fournisseur d'électricité du Nouveau-Brunswick sans avoir les problèmes liés à la distribution et à la tarification, qui seraient restées sous la responsabilité d'Énergie NB.

Hausse de 3%

Maintenant que l'entente avec Hydro-Québec est morte et enterrée, le Nouveau-Brunswick doit chercher ailleurs des solutions au coût croissant de l'énergie et à sa dépendance aux combustibles fossiles.

«Le premier ministre nous demande de refaire nos calculs», a fait savoir hier le président par intérim d'Énergie NB, Gaëtan Thomas.

En attendant, les Néo-Brunswickois devront encaisser le 1er avril la hausse de tarifs de 3% qui était prévue avant l'annonce de la transaction, a laissé entendre M. Thomas. «C'est une opportunité en or qui nous est passée sous les yeux», a-t-il déploré.

La province a d'autres options, soutient pour sa part Yves Gagnon, professeur à l'Université de Moncton et titulaire de la chaire KC Irving en développement durable. Selon lui, l'entente entre Hydro-Québec et le Vermont annoncée le 11 mars dernier a ouvert les yeux de ceux qui croyaient encore que la transaction était favorable au Nouveau-Brunswick.

Selon le professeur Jean-Thomas Bernard, de l'Université Laval, le Vermont achètera de l'électricité du Québec pendant 20 ans à un prix d'environ 4,5 cents le kilowattheure, soit moins cher que le prix de 7,35 cents le kilowattheure qu'aurait payé le Nouveau-Brunswick.

Hydro-Québec a contesté le calcul de Jean-Thomas Bernard, en assurant que le prix payé par le Vermont sera beaucoup plus élevé que 4,5 cents. Quoi qu'il en soit, le professeur de l'Université de Moncton pense que le Nouveau-Brunswick aurait avantage à conclure des ententes d'une durée limitée avec Hydro-Québec, comme le fait le Vermont, plutôt que devenir dépendant du Québec à perpétuité.

Le temps joue en faveur du Nouveau-Brunswick, estime-t-il, parce que le prix de l'électricité québécoise risque de baisser.

Le professeur attribue lui aussi l'échec de la transaction au gouvernement de Shawn Graham, qui a cru qu'il pourrait faire avaler la vente d'Énergie NB à la population sans la consulter. Il ne croit pas qu'un sentiment anti-Québec ait joué un rôle. «Il y en a eu mais c'est une minorité. Et ça, il faut l'accepter en démocratie».

Le principal problème de la transaction, selon lui, c'est qu'elle visait essentiellement «à satisfaire une poignée de grandes entreprises».

Les entreprises comme Irving, McCain et Ganong auraient en effet grandement profité de la transaction, avec des tarifs en baisse de 20% par rapport à leur niveau actuel. Le chocolatier David Ganong, qui avait présidé le comité formé par le gouvernement pour examiner la transaction, s'est dit terriblement déçu par la tournure des événements.

 

LA TRANSACTION EN CHIFFRES

3,2 milliards

Somme qu'Hydro-Québec prévoyait payer au Nouveau-Brunswick pour l'achat

de 10 centrales, dont la centrale nucléaire de Pointe Lepreau

14 milliards

Quantité d'énergie (en kilowattheures par année) qu'Hydro-Québec prévoyait vendre à la province voisine

7,35¢ le kilowattheure

Tarif prévu de l'énergie qui devait être vendue au Nouveau-Brunswick