Avec des turbines moins bruyantes, des tours peintes en vert et des postes de transmission ressemblant à des granges pour mieux se fondre dans le paysage, le promoteur du futur parc éolien de Sainte-Sophie-d'Halifax, près de Thetford Mines, a pris les grands moyens pour se faire accepter dans la région.

«Notre projet est un des plus coûteux parmi ceux qui ont été acceptés par Hydro-Québec», souligne Simon Jean-Yelle, représentant du promoteur, l'entreprise espagnole Sociedad de Energia Enerfin, filiale de Grupo Elecnor de Madrid.

C'est l'appel d'offres d'Hydro-Québec pour la production de 2000 mégawatts supplémentaires d'énergie éolienne qui a amené les Espagnols dans l'arrière-pays québécois. Enerfin veut investir 400 millions de dollars dans un parc éolien de 100 mégawatts situé entre les villages de Saint-Ferdinand, Saint-Pierre-Baptiste et Sainte-Sophie-d'Halifax.

Les 50 éoliennes seront disséminées sur une superficie de 200 km2, précise le promoteur lors d'une entrevue avec La Presse Affaires. Les turbines du fabricant allemand Enercon ont été choisies parce qu'elles n'ont pas de boîte de transmission (gear box) et qu'elles sont, par conséquent, moins bruyantes et plus résistantes, explique Jean Simon-Yelle. Les immenses machines reposeront sur des tours de béton - peints en vert -, et non de métal comme dans les parcs éoliens déjà construits au Québec.

En lieu et place des cubes de béton construits par les autres promoteurs pour abriter les transformateurs d'électricité, Enerfin veut bâtir une grange comme celles qu'on trouve dans la région.

L'entreprise a aussi l'intention de laisser un héritage durable: un centre d'interprétation de l'énergie éolienne au design audacieux évoquant une étoile, qui pourra servir de centre de conférence et de lieu d'exposition.

«Nous serons le parc éolien le plus proche de Montréal», explique le promoteur, qui croit que les visiteurs y viendront nombreux.

Ces efforts n'ont pas suffi à éliminer l'opposition au projet (voir autre texte). Enerfin a tout de même franchi toutes les étapes préalables à la réalisation de son projet, y compris l'obligation de 60% de contenu local. Elle attend maintenant les conclusions du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et le décret ministériel qui lui permettront de commencer les travaux de construction.

Des désistements

Depuis qu'Hydro-Québec a commencé à acheter de l'électricité de source éolienne du secteur privé, plusieurs des projets retenus ne se sont pas concrétisés, à cause de l'opposition de la population ou de problèmes de financement, ou les deux à la fois.

Le plus connu et le plus grand de ces échecs est celui de Skypower, qui voulait construire un parc de 300 mégawatts à Cacouna. L'entreprise torontoise a plié bagage après s'être heurtée à l'opposition de la population qui ne voulait pas d'éoliennes au bord du fleuve.

Une autre entreprise torontoise, Northland Power, se débat actuellement pour trouver du financement pour son projet de Mont-Louis, en Gaspésie (100 mégawatts), et ne pourra vraisemblablement pas commencer la production en décembre 2010 comme prévu.

Kruger Énergie, dont le projet de parc éolien de 68 mégawatts à Sainte-Luce-sur-Mer avait été retenu par Hydro-Québec, a abandonné la partie devant les exigences de la communauté locale.

Le consortium Saint-Laurent Énergie, formé d'Électricité de France, d'Hydroméga et de RES Canada, a mis fin à un projet de parc éolien de 80 mégawatts à Aguanish, sur la Côte-Nord, pour le construire à Saint-Robert-Bellarmin, en Beauce, où la population lui réserve un meilleur accueil.

Enfin, le consortium formé de Trans-Canada Energy et d'Innergex a laissé tomber un projet de parc éolien de 150 mégawatts à Les Méchins, en Gaspésie.

Au total, les projets abandonnés comptent pour 15% des 4000 mégawatts qu'a commandés Hydro-Québec.

Les promoteurs des prochains projets à entrer en production sont confiants de les mener à terme.

Si tout se passe comme prévu, la construction du parc de Sainte-Sophie-d'Halifax commencera en juillet, a indiqué Simon Jean-Yelle, d'Enerfin. Le financement du projet ne pose pas de problème, selon lui, à cause de la solidité de la société mère d'Enerfin, Grupo Elecnor, dont les revenus ont été de 2 milliards d'euros en 2008.

Enerfin s'est engagée à livrer ses premiers kilowattheures à Hydro-Québec à la fin de 2011. Deux autres des 17 projets acceptés par Hydro-Québec dans son deuxième appel d'offres doivent également être prêts à livrer de l'électricité à Hydro à la fin de l'année prochaine.

C'est le cas de 3Ci, qui a un projet de 156 mégawatts dans la région de l'Amiante, pas très loin de celui d'Enerfin. «On attend le décret du gouvernement pour commencer les travaux», a fait savoir le représentant de 3Ci, Robert Vincent.

Selon lui, le financement du projet de 450 millions ne devrait pas poser problème, même si les effets de la crise du crédit ne se sont pas encore complètement dissipés. «Il y a encore beaucoup d'équité parquée sur les lignes de côté», a-t-il observé.

Le dernier projet éolien qui doit commencer à livrer de l'électricité l'an prochain est celui d'Invenergy Wind, en Gaspésie. Hydro-Québec a retenu l'entreprise, dont le siège social est à Chicago, pour construire un parc de 138,6 mégawatts en Gaspésie. Il n'a pas été possible de parler à un de ses représentants.