Dans la nuit de lundi à hier, les prix à la pompe ont fait un bond de 10 cents le litre. Inutile de chercher une explication logique à cette augmentation, il n'y en a pas : le prix du brut n'a pas augmenté soudainement, la marge de raffinage n'a pas varié significativement, le niveau des taxes est resté inchangé.

«C'est un marché qui crée des frustrations, constate le porte-parole de CAA-Québec, Philippe St-Pierre. Les gens ne s'y retrouvent pas avec des bonds comme ça».

Le CAA-Québec et la Régie de l'énergie publient quotidienne le coût d'acquisition de l'essence pour les détaillants. En y additionnant la marge moyenne des détaillants des 12 derniers mois (5,8 cents), on arrive à un prix à la pompe de 109,4 cents. Le prix affiché hier était de 113,4 cents hier, soit 4 cents de plus, ce qui donne une marge énorme de 9,8 cents aux détaillants.

Du côté de l'industrie, on a toujours la même explication pour ces hausses soudaines, qui sont de plus en plus fréquentes. «Quand on regarde une année complète, on voit que les marges des détaillants se maintiennent autour de 5 cents à Montréal, plaide le porte-parole des pétrolières, Carol Montreuil. Encore une fois, on se cogne le nez sur les arbres et on oublie de regarder la forêt».

Au CAA-Québec, on comprend que les détaillants soient parfois obligés de vendre sous leur prix d'acquisition et que les hausses soudaines des prix à la pompe soient des tentatives de rattrapage. «C'est parfois justifié, mais pas toujours, dit son porte-parole Philippe St-Pierre. Le marché semble avoir beaucoup de difficulté à refléter les variations quotidiennes des indicateurs et les variations sont très frustrantes pour les consommateurs».

Dans son bilan 2009, le CAA-Québec en arrive à conclusion que l'essence est «un marché qui défie toute logique». L'année dernière, les marges de détails ont été plus élevées à Montréal, malgré un volume de vente beaucoup plus élevé, que dans des régions comme le Centre du Québec et les Laurentides, où les plus faibles volumes commandent généralement des marges plus élevées.

Le CAA-Québec a aussi constaté que les prix à la pompe augmentent beaucoup plus souvent qu'avant au début des week-ends. C'est arrivé 6 fois en 2007, 11 fois en 2008 et 15 fois en 2009. Neuf des 15 augmentations à la veille des week-ends ne pouvaient s'expliquer par une variation des différentes composantes du prix de l'essence.

Enfin, le CAA-Québec a constaté que les prix à la pompe ont été supérieurs à ce qu'ils auraient dû être 151 jours ouvrables sur 248 à Montréal en 2009, soit 60% du temps.

Selon l'industrie, le CAA-Québec a choisi les chiffres qui servaient son propos et son bilan ne prouve rien.

Mais le CAA-Québec réclame plus de transparence de la part de l'industrie et a suggéré au gouvernement d'analyser le marché de l'essence plus en profondeur que le fait la Régie de l'énergie, qui se contente de compiler des prix et de faire des moyennes.

Un projet de loi piloté par l'ancien titulaire du ministère de l'Énergie et des Ressources, Claude Béchard, qui aurait obligé les pétrolières à afficher chaque jour le coût d'acquisition de l'essence, a été abandonné par le gouvernement.

Les brusques variations à la pompe sont peut-être frustrantes mais selon Statistique Canada, il faut respirer par le nez. Le prix de l'essence (sans les taxes) était plus bas en 2009 qu'il y a 25 ans, si on tient compte de l'inflation.