Le débat sur l'accès au réseau de transport d'Hydro-Québec n'en fait pas du tout mention, mais la vraie source du litige entre Terre-Neuve et le Québec est un contrat signé il y a 40 ans.

Par ce contrat, Hydro-Québec s'engageait à acheter l'énergie produite à Churchill Falls au Labrador dans une centrale construite par Brimco, une entreprise privée britannique qui a été rachetée par le gouvernement de Terre-Neuve.

«Sans Hydro-Québec comme acheteur, le projet ne se serait jamais fait», estime Langevin Côté, un ancien journaliste du Globe&Mail qui a travaillé chez Brimco de 1967 à 1975. Le développement de Churchill a coûté plus de 900 millions de dollars, une somme fabuleuse à l'époque, rappelle-t-il.

Terre-Neuve a toujours soutenu que le contrat signé en 1969 était injuste à son égard, parce qu'il a permis à Hydro-Québec de faire des milliards de dollars de profit à même les ressources naturelles qui lui appartiennent.

Vu avec les yeux d'aujourd'hui, le prix de vente négocié par Hydro semble dérisoire. L'électricité de Churchill Falls lui coûtait 2,7 cents le kilowattheure en 1969 et il a été prévu que ce prix baisserait régulièrement pendant les 65 années de la durée du contrat.

C'était un prix normal pour l'époque, estime Langevin Côté. «L'énergie nucléaire s'en venait et beaucoup de monde pensait qu'elle permettrait de produire de l'électricité à peu près gratuitement, explique-t-il. Hydro-Québec s'est engagée à ses risques et périls.»

Hydro a beaucoup hésité avant de s'embarquer dans Churchill Falls, rappelle encore Langevin Côté, parce qu'il était aussi question de développer la Baie-James.

Hydro a choisi d'investir d'abord dans le projet Churchill et ça lui a été favorable. Elle peut vendre l'électricité qui lui coûte 0,2 cent le kilowattheure à plus de 7 cents à ses clients québécois et plus cher encore sur les marchés d'exportation.

Toutes les tentatives de Terre-neuve de renégocier ce contrat ont été vaines. Malgré cela, le gouvernement de Danny Williams a annoncé hier son intention de porter une nouvelle fois sa cause devant les tribunaux sur la base des changements qui ont été apportés au Code civil du Québec en 1994 et qui portent sur la notion de «bonne foi» entre les parties d'un contrat.

En attendant, le contrat de 1969 reste en travers de la gorge des Terre-Neuviens et bloque toute collaboration future avec Hydro-Québec.

Le gros bon sens voudrait que le Québec et Terre-Neuve s'entendent pour développer le Bas-Churchill, le dernier projet hydro-électrique important dont le coût de revient est aussi bas. «C'est le meilleur projet de notre portefeuille», selon le vice-président de Nalcor, Gilbert Bennett.

L'électricité produite par les centrales de Gull Island et de Muskrat Falls coûterait moins cher (entre 6 et 7 cents le kilowattheure) que La Romaine, le dernier des projets de développement entrepris par Hydro-Québec (10 cents le kilowattheure).

Hydro-Québec a d'ailleurs répondu avec empressement à l'appel d'offres lancé par le gouvernement de Terre-Neuve pour tester l'intérêt du marché pour ce projet de 6,5 milliards.

Avec Ontario-Hydro et SNC-Lavalin, Hydro-Québec a soumis une proposition qui a été rejetée par le gouvernement de Danny Williams. Terre-Neuve a choisi de développer seul son projet, une voie semée d'embûches qui l'a amené devant la Régie de l'énergie du Québec.