En plus des centaines d'emplois directs et indirects qui disparaîtront, la fermeture prochaine de la raffinerie Shell à Montréal-Est n'augure rien de bon pour celle de Petro-Canada, qui pourrait être la prochaine à cesser ses activités.

Shell et Petro-Canada partagent le coût du transport du brut par le pipeline de Portland à Montréal. Une fois les installations de Shell fermées, la raffinerie de Petro-Canada devra assumer seule le coût de transport du brut, ce qui augmentera considérablement ses coûts d'exploitation et diminuera sa rentabilité.

En outre, Petro-Canada devra payer la totalité de la facture de Marsulex, l'entreprise qui traite les résidus de souffre des deux raffineries. Hier, Marsulex a fait savoir que même si Shell ferme, un contrat à long terme lui assure des revenus jusqu'en 2015. Après, rien n'est assuré, a reconnu un porte-parole de l'entreprise qui emploie 42 personnes.

Suncor, la société-mère de Petro-Canada, a cherché à calmer les inquiétudes. «Notre raffinerie de Montréal est un actif important pour nous et nous restons déterminés à la maintenir d'une façon rentable», a répondu hier le porte-parole de Suncor, Michael Southern, qui n'a pas voulu parler de l'augmentation prévue des ses coûts d'exploitation.

Malgré tout, bien peu d'observateurs sont prêts à parier sur la survie à long terme de la raffinerie de Petro-Canada. Suncor a abandonné un projet d'investissement de 1,5 milliard qui aurait permis aux installations de Montréal de raffiner du pétrole lourd issu des sables bitumineux de l'Alberta. C'est un signe qui ne trompe pas, selon Jules Lauzon, directeur général pour le Québec de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.

«Les raffineurs doivent investir continuellement dans leurs installations. Quand ils sautent un investissement, ils ne sont plus là cinq ans après», a-t-il expliqué.

Shell n'avait pas investi dans sa raffinerie de Montréal depuis 2002, a rappelé un autre observateur de l'industrie.

Le porte-parole de l'industrie canadienne des fabricants de produits chimiques ne voit pas comment Petro-Canada pourrait continuer ses activités une fois la raffinerie de Shell fermée.

Déjà, la fermeture annoncée de Shell est une catastrophe pour le secteur pétrochimique, estime Jules Lauzon. En plus de Marsulex et de ses 42 emplois, d'autres entreprises comme Interquisa (devenue Cepsa Chimie), Parachem et PTT Poly (devenue Selenis Canada) sont menacées, estime-t-il.

«Les deux raffineries alimentent ces trois usines et Petro-Canada ne sera peut-être pas capable de prendre la relève», explique-t-il. Le secteur pétrochimique montréalais, qui va déjà très mal depuis la fermeture de Pétromont et de Basell, va devenir «un canard encore beaucoup plus boîteux», croit Jules Lauzon.

Selon lui, pour un emploi perdu dans une raffinerie de pétrole, il y en a sept autres qui disparaissent dans l'économie locale. Environ 500 employés travaillent à la raffinerie de Shell, ce qui se traduirait selon ce calcul par une perte sèche de 3500 emplois.

La fermeture annoncée de la raffinerie de Shell fait aussi craindre une hausse du prix de l'essence au Québec. «Ce sont les consommateurs qui paieront la note de cette perte de capacité de raffinage», a prévenu hier le député péquiste Sylvain Gaudreault.

Il n'y aura pas d'impact sur les prix à la pompe, estime le porte-parole d'Ultramar, Louis Forget. Même si Shell importe des produits raffinés pour alimenter son réseau de distribution, l'entreprise ne pourra pas vendre de l'essence à des prix plus élevés que ses concurrents qui raffinent sur place, a-t-il expliqué.