Le plus fort redressement du prix du pétrole sur un an depuis 1999 devrait se poursuivre grâce à une progression de 20% l'an prochain à la faveur d'un regain de l'économie mondiale et de la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), soutiennent les prévisionnistes les plus précis.

Mike Wittner, de la Société générale, et Hannes Loacker, de Raiffeisen Zentralbank Oesterreich, dont les prédictions de cette année ont été précises à plus ou moins 9% par rapport aux niveaux des prix sur le marché, soutiennent maintenant que le pétrole se vendra près de 88$ US le baril à la fin de 2010, soit davantage que les prix actuels d'environ 73$ US pratiqués à New York. Sur Wall Street, l'estimation médiane table sur un prix de 83$ US.

Les prix du pétrole devraient donc grimper tandis que la Chine et l'Inde entraînent l'économie mondiale au sortir du plus grave choc économique depuis la Seconde Guerre mondiale et que l'OPEP plafonne sa production, selon MM. Wittner et Loacker. Les analystes prédisent que l'OPEP ne changera pas ses cibles d'offre lors de sa réunion aujourd'hui à Luanda, en Angola, même si l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que la consommation de carburant augmentera de 1,7% l'an prochain.

«Étant donné que la demande mondiale croîtra et que l'OPEP maintiendra ses niveaux de production, les stocks diminueront et cela favorise une augmentation des prix», soutient M. Wittner, 48 ans, chef de l'analyse des marchés du pétrole au sein de la Société générale, à Londres. Les produits de base tireront aussi parti de la faiblesse du dollar américain et des taux d'intérêt près de zéro aux États-Unis, ajoute-t-il.

Les contrats à terme sur le pétrole ont bondi de 5% la semaine dernière, premier gain hebdomadaire en un mois après que des forces iraniennes eurent occupé un puits de pétrole en Irak. Cette situation a fait craindre que les tensions entre ces deux membres de l'OPEP ne perturbent l'approvisionnement. Mais les soldats iraniens ont quitté le puits samedi dernier.

M. Wittner, qui a été analyste du secteur énergétique à la CIA américaine au cours des années 80 et à l'AIE entre 1997 et 2002, estime que les achats par les fonds spéculatifs et les investisseurs cherchant à se protéger de l'inflation auront pour effet de soutenir les prix du pétrole.

«Au contraire de certaines autres banques, nous croyons et nous reconnaissons assez ouvertement que des facteurs non fondamentaux jouent véritablement un rôle dans l'établissement des prix du pétrole», avance M. Wittner.

Pour sa part, M. Loacker, 33 ans, dit s'attendre à ce que l'OPEP garde sa production aux niveaux actuels «pendant une grande partie de 2010», ce qui soutiendra les prix. Celui qui vient au troisième rang parmi les prévisionnistes les plus précis, soit Eugen Weinberg, de Commerzbank, croit pour sa part que les prix pétroliers vont chuter à 59$US le baril au quatrième trimestre de 2010 parce que l'OPEP augmentera son offre.

«Pour l'an prochain, je vois des risques de baisse, dit-il. La discipline au sein de l'OPEP se relâche et je crois que cela va continuer.»

Les contrats à terme sur le pétrole ont bondi de 64% cette année à cause de la baisse de production de l'OPEP et du fait de la reprise économique. Si l'augmentation de consommation prévue par l'AIE se matérialise en 2010, ce sera la première en trois ans.

Des prix du pétrole plus élevés profiteront à des producteurs comme l'Arabie Saoudite et Exxon Mobil, mais mettront à mal les sociétés aériennes qui pourraient perdre 5,6 milliards US l'an prochain.

En chiffres

 

-5%

Baisse de la consommation de pétrole au Canada en 2008-2009, selon l'Agence internationale de l'énergie/Statistique Canada. Aux États-Unis, la consommation pétrolière a chuté de 8%, et de 2,5% sur l'ensemble de la planète.

 

97,9¢/L

Prix moyen du litre d'essence ordinaire en 2009, selon la Régie de l'énergie. Cela se compare à un prix moyen de 119,3 cents en 2008 et 106,3 cents le litre en 2007.

 

40%

Pourcentage de la production mondiale de brut qui est contrôlée par l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole).