L'industrie papetière au Canada n'est pas au bout de ses peines, malgré une crise qui dure depuis des années.

Même que l'année 2009 qui s'achève s'annonce la pire au niveau des pertes financières.

Elles pourraient atteindre 1,2 milliard de dollars, presque deux fois plus que la moyenne des années précédentes, selon le Conference Board dans sa plus récente étude de l'industrie papetière, rendue publique hier.

 

Quant à un espoir de redressement, l'industrie devra patienter au moins deux ans avant de retrouver une mince rentabilité d'ensemble. Et ce à condition de poursuivre la réduction de ses coûts d'exploitation.

Pour quelques années encore, selon le Conference Board, l'industrie papetière sera confrontée à une baisse de la demande pour ses principaux produits.

Conséquence: les prix obtenus selon les différents produits papetiers, même stabilisés après une baisse marquée, s'annoncent plutôt mous pour un avenir prévisible.

Selon l'analyse du Conference Board, l'industrie papetière devra se contenter de revenus totaux de l'ordre de 24 milliards cette année et pour les deux prochaines années. S'ils s'avèrent, de tels revenus consolidés seraient inférieurs à la moyenne des trois années antérieures, depuis 2006 inclusivement.

Aussi, autour de 24 milliards, les revenus totaux pour cette année et les deux prochaines seraient les plus faibles dans l'industrie papetière au Canada depuis 1993, il y a 16 ans.

D'autres fermetures à prévoir

Dans un tel contexte, d'autres fermetures d'usine et des mises à pied additionnelles semblent inévitables. «L'industrie papetière devra continuer de réduire ses coûts tant que ses résultats financiers seront sous pression. Et la principale source de réduction des coûts demeure les coupes sélectives d'usines et d'emplois», lit-on dans le rapport du Conference Board.

C'est aussi l'avis d'autres observateurs comme Frédéric Bouchard, de la firme PricewaterhouseCoopers, qui publiait plus tôt cette semaine son relevé trimestriel des résultats de l'industrie des produits forestiers.

Là aussi, le constat demeure troublant pour un secteur dont dépendent les revenus de milliers de salariés au Québec.

Au troisième trimestre, terminé le 30 septembre, les pertes des principales entreprises de produits forestiers au Canada ont atteint 632 millions, 15% plus élevées que l'an dernier à pareille date.

Dans l'est du pays, où l'on retrouve davantage d'usines papetières en plus des scieries, la perte consolidée au troisième trimestre a atteint 422 millions, soit 100 millions de plus qu'il y a un an.

Une précision toutefois: cette perte aggravée est surtout attribuable aux déboires financiers d'AbitibiBowater, au huitième mois de sa protection de faillite.

Car dans les entreprises davantage orientées vers les produits papetiers plus spécialisés, comme Domtar et Cascades, le redressement de la rentabilité semble bien en cours. «Les entreprises papetières qui ont investi pour produire des papiers à plus de valeur ajoutée commencent à se sortir de la crise», constate Frédéric Bouchard. «Mais pour les autres entreprises, dans le papier journal en particulier, la baisse de la demande est drastique et en bonne partie définitive. Quant aux producteurs de pâte à papier, je crois qu'ils sont condamnés à disparaître au Canada face à la concurrence de nouvelles usines à très faibles coûts dont se dotent plusieurs pays d'économie émergente.»

D'ailleurs, le rapport du Conference Board souligne une tendance du marché mondial de la pâte à papier qui, de plus en plus, expliquerait une partie des problèmes des sociétés papetières canadiennes sur le principal marché d'exportation, les États-Unis.

Il s'agit de la croissance des importations de pâte à papier par la Chine, qu'elle transforme ensuite en produits papetiers pour réexportation vers... l'Amérique du Nord!

C'est ainsi que la part du Canada des importations américaines de produits papetiers a reculé de 68% à 53% au cours de dernières années. Pendant ce temps, la part de la Chine a quadruplé, passant de 3% à 12%.

En d'autres termes, les achats chinois de pâte qui permettent à des usines canadiennes de survivre à court terme reviennent par ricochet gruger le marché de leurs voisins producteurs de papiers et de cartons.

Selon le Conference Board, la croissance manufacturière en Chine, surtout avec les biens de consommation, explique en partie l'expansion de son industrie des cartons d'emballage. Mais la production chinoise de papiers d'impression s'accroît aussi, et concurrence de plus les producteurs canadiens sur les marchés d'exportation.