Hydro-Québec se présente ce matin devant la Régie de l'énergie pour défendre la plus petite hausse de tarifs qu'elle ait jamais réclamée, soit 0,2%. Mais les Québécois auraient pu avoir droit à une baisse, en 2010, n'eût été un changement comptable apporté par la société d'État.

La hausse demandée s'explique par le fait qu'Hydro veut se conformer immédiatement à de nouvelles règles comptables internationales qui seront en vigueur à compter de 2011. Sans ce changement des règles comptables, les tarifs d'électricité auraient baissé de 2,4% à compter du 1er avril 2010, dénoncent tous les intervenants qui participent aux audiences de la Régie.

La vraie explication de l'augmentation des tarifs de cette année, c'est que le gouvernement a besoin d'argent, selon certains d'entre eux.

«Ils sont opportunistes, le gouvernement veut de l'argent», estime Luc Boulanger, le porte-parole des gros consommateurs industriels d'électricité. Selon lui, Hydro-Québec n'est pas obligée de se conformer à de nouvelles règles comptables avec un an d'avance.

L'Union des consommateurs émet aussi de sérieux doutes sur l'urgence de changer les règles comptables dès cette année. Son analyste Jean-François Blain estime même que seule l'entité «corporative» Hydro-Québec aura l'obligation de modifier ses règles comptables et que les activités de distribution d'électricité, qui sont examinées par la Régie, peuvent en être exemptées.

La Régie a tranché en faveur d'Hydro-Québec l'an dernier, alors qu'un changement comptable justifiait également une grande partie de l'augmentation de 2,9% réclamée et obtenue par Hydro.

Pour justifier ses augmentations de tarifs devant la Régie, la société d'État additionne tous les coûts qu'elle doit engager pour desservir sa clientèle québécoise et la différence avec les coûts de l'an dernier représente la hausse réclamée.

Cette année, le seul changement comptable ajoute 250 millions au coût de service. Sans lui, Hydro aurait pu baisser ses tarifs de 2,4%.

«Ça aurait été bienvenu, surtout cette année alors qu'on sort d'une récession», a commenté le porte-parole québécois de la Fédération québécoise de l'entreprise indépendante, Richard Fahey. La FCEI, qui regroupe 24 000 PME au Québec, soulèvera elle aussi la question des changements comptables qui empêche Hydro de réduire ses tarifs cette année.

L'ajout de plusieurs autres frais dans le coût des services d'Hydro sera également contestée devant la Régie.

Par exemple, les surplus qui s'accumulent et qui risquent de durer jusqu'en 2020. Ces surplus ont un coût qui s'additionne aux autres. Ainsi, Hydro a dû encore cette année verser plus d'une centaine de millions à TransCanada Énergie pour suspendre la production de la centrale de Bécancour et vendra à perte une grande partie de l'électricité excédentaire. C'est la troisième année consécutive que ce scénario coûteux est soumis à la Régie.

Ces coûts sont dus à des erreurs de prévisions d'Hydro et ce n'est pas à sa clientèle de payer pour ces erreurs, plaidera l'Union des consommateurs.

«Les consommateurs sont les seuls à assumer pleinement les coûts liés aux écarts de prévisions», déplore Jean-François Blain, porte-parole de l'Union des consommateurs. Hydro n'a aucune incitation à améliorer ses prévisions, déplore-t-il, parce qu'elle peut chaque année refiler le coût de ses erreurs à ses clients.

De même, l'Union des consommateurs ne comprend pas pourquoi les dons et commandites controversés de la direction d'Hydro-Québec font partie des coûts de service et servent à justifier des hausses de tarifs. Les dons et commandites sont inclus dans les frais d'Hydro-Québec, qui totalisent 25 millions cette année. Le tiers de cette somme, soit autour de 7 millions, fait partie de l'addition qui sert à calculer les hausses de tarifs de la division Distribution.