Terre-Neuve, qui s'appuie sur de nouveaux avis juridiques pour réclamer la renégociation de son contrat de vente d'électricité à Hydro-Québec, n'a pas une cause facile à défendre devant les tribunaux.

«Ce n'est pas un recours facile», a dit hier François Painchaud, avocat spécialisé en droit des affaires et associé de la firme Robic de Montréal.

Le gouvernement de Terre-Neuve et la direction de sa société d'État Nalcor Energy ont fait savoir lundi qu'ils réclamaient la renégociation du contrat conclu en 1969 entre Hydro-Québec et Churchill Falls (Labrador) Corporation ou CF (L) Co. Ce contrat permet à Hydro d'acheter plus de 10% de son électricité (4000 mégawatts) à prix très bas jusqu'en 2041.

Le gouvernement terre-neuvien invoque la bonne foi des parties et soutient que de nouvelles dispositions du Code civil du Québec, adoptées en 1994, lui permettent de croire qu'il pourrait avoir gain de cause devant les tribunaux.

Il dit avoir obtenu des avis en ce sens de plusieurs firmes de droit québécoises, dont Stikeman Elliott et Irving Mitchell Kalichman, ainsi que de Pierre-Gabriel Jobin, de la faculté de droit de l'Université McGill, et de Jean-Louis Baudoin, ancien juge qui a contribué à la rédaction du nouveau Code civil du Québec.

Selon M. Painchaud, il se peut que l'argument de Terre-Neuve s'appuie sur la notion de bonne foi entre signataires d'un contrat dont les forces sont inégales, une notion qui a été éclaircie dans le nouveau Code civil de 1994.

Comme le contrat en cause remonte à 1969, il faudra voir si les nouvelles dispositions du Code civil peuvent s'appliquer rétroactivement.

Le contrat a déjà été contesté devant les tribunaux, et jusqu'en Cour suprême, sans succès. Ce qui ne veut pas dire que la cause est désespérée, selon l'avocat.

La requête de Terre-Neuve arrive en effet au moment où Hydro-Québec tente de séduire l'opinion publique du Nouveau-Brunswick afin de pouvoir acheter le réseau de production, de transport et de distribution d'électricité de la province. Pour prouver sa bonne foi dans cette transaction controversée, Hydro-Québec pourrait être obligée de donner satisfaction, du moins en partie, à Terre-Neuve.

En vertu du contrat avec Terre-Neuve, Hydro peut acheter 4000 mégawatts d'électricité, ou 12% de sa capacité totale, à un quart de cent le kilowattheure jusqu'en 2016. Ces kilowattheures sont revendus à 7 cents au Québec et jusqu'à plus ou moins 10 cents sur les marchés externes. Après 2016, le contrat prévoit un renouvellement automatique pour une période de 25 années de plus, à un prix encore plus bas, soit un cinquième de cent le kilowattheure.

Le premier ministre terre-neuvien Danny Williams a souligné lundi que, pour la seule année 2008, Hydro-Québec a réalisé un profit de 1,7 milliard avec l'électricité de Churchill Falls, comparativement à seulement 63 millions pour Terre-Neuve.