Le fait qu'il y ait dans le monde des entrepôts contenant suffisamment d'aluminium pour construire 69 000 appareils 747 de Boeing pousse Peter Sorrentino à soutenir que l'élément métallique le plus abondant dans la croûte terrestre est trop cher.

«Je ne comprends pas pourquoi le prix de l'aluminium a tant grimpé», lance M. Sorrentino, qui contribue à la gestion d'actifs de 13,8 milliardsUS chez Huntington Asset Advisors, à Cincinnati. «L'offre est amplement suffisante et la demande n'a pas progressé, ajoute-t-il. Il y a une disparité entre le prix et la réalité.»

De son côté, Barclays Capital prévoit que le surplus mondial d'aluminium gonflera de 29%, à 1,63 million de tonnes métriques, l'an prochain, tandis que la plus grosse augmentation de prix sur un an depuis 1994 incite les producteurs à accroître leur production. Emirates Aluminum Co. lancera la plus grosse aluminerie au monde en avril prochain et une usine appartenant en partie à Norsk Hydro, au Qatar, commencera ses activités le mois prochain.

La progression de 33% du prix de l'aluminium cette année et le bond de 48% de l'indice S&P GSCI consacré aux produits de base font craindre qu'une bulle ne soit en train de se former. La Chine, premier producteur d'aluminium au monde, est susceptible de pâtir de la l'absence de demande des consommateurs chez ses partenaires commerciaux, estime Bill Gross, qui dirige le plus important fonds d'obligations au monde chez Pacific Investment Management. Pour sa part, Rex Tillerson, PDG d'Exxon Mobil, a soutenu le 13 novembre dernier que les conditions fondamentales du marché ne soutiennent pas les prix du pétrole.

Les investisseurs sont partis «à la chasse aux produits de base» et il y a un risque de formation de bulles, soutenait récemment Nouriel Roubini, ce professeur de l'Université de New York qui avait prédit la crise financière mondiale.

Hier, le prix de l'aluminium était de 2052$US la tonne en début à Londres et il sera en moyenne de 1885$US l'an prochain, selon la prévision médiane de 24 analystes sondés par Bloomberg. Selon les données recueillies par la Bourse des métaux de Londres, les stocks d'aluminium ont presque doublé, à 4,6 millions de tonnes, cette année, soit davantage que la production de l'Europe de l'Ouest.

Un aéronef 747 contient environ 66 tonnes d'alliage d'aluminium, selon Boeing, qui en a livré au moins 1416 au cours de son histoire.

La production chinoise d'aluminium augmentera de 18% l'an prochain, ce qui contribuera à une hausse de 8,9% à l'échelle mondiale et à un surplus égal à plus de trois mois de la demande nord-américaine, d'après les estimations de Barclays Capital. La production mondiale a crû de plus de 12% depuis avril dernier, selon l'Institut international d'aluminium.

De nouvelles alumineries entreront bientôt en production, dont celle de Emirates Aluminium, à Abou Dhabi, qui commencera ses activités en avril prochain et qui sera un jour capable de fournir 1,4 million de tonnes par année. L'usine de Qatar Petroleum et de Norsk Hydro aura quant à elle une capacité initiale de 585 000 tonnes.