L'époque du pétrole facile à produire se termine et, pour satisfaire l'appétit énergétique de la planète, l'exploitation des sables bitumineux apporte une partie de la solution, estime le président de la filiale canadienne de Total, Jean-Michel Gires.

Interrogé sur les risques affectant la rentabilité de ce mélange semi-solide de pétrole brut, de sable et d'argile - coûts d'exploitation relativement élevés, vives pressions des écologistes, taxation induite par le réchauffement planétaire, notamment - M. Gires se dit optimiste sur le long terme, dans une interview accordée à l'AFP depuis Calgary dans l'Alberta.

«Ce sont des projets extrêmement ambitieux, des projets très gros, donc très chers», reconnaît-il.

«Il est clair qu'ils ont un problème de coût. Mais ils ont aussi des ressources extrêmement importantes derrière, beaucoup de milliards de barils en terre» alors que «le pétrole dit conventionnel et relativement facile à produire est soit derrière nous soit dans les zones où les grandes compagnies internationales comme Total ne peuvent pas directement accéder».

«Le prix de l'énergie n'est pas parti pour baisser, pour s'effondrer», malgré des apparences renforcées actuellement par la récession, estime le pétrolier. «Ce qui nous importe beaucoup plus, c'est ce à quoi le monde va ressembler en 2020, 2025 ou 2030, pour justifier nos principales décisions d'investissements.»

La Chine l'a bien compris qui va investir la somme record de 1,7 milliard de dollars dans l'exploitation de ces sables bitumineux dans l'Ouest canadien.

Il s'agit d'un des plus importants investissements d'une société chinoise au Canada, dont les sols de l'ouest du pays contiendraient l'équivalent de 175 milliards de barils de pétrole, soit les secondes réserves d'or noir de la planète après l'Arabie Saoudite.

«Sur le long terme, malgré tous les efforts d'efficacité énergétique et les efforts de développement des énergies alternatives, l'appétit de la planète pour l'énergie, autant dans le monde développé que, surtout, dans le monde en développement, fait que les productions additionnelles de pétrole vont être les bienvenues et devraient pouvoir trouver leur place», poursuit M. Gires.

Et c'est le long terme que vise Total Canada, avec notamment le développement de la mine de Joslyn dans la vallée de l'Athabasca (Alberta) qui commencera à produire du pétrole «au mieux» en 2017-2018. Elle devrait fournir 100 000 barils par jour (bpj). Quant à une autre mine, plus au nord, Northern Lights, «ce sera clairement au delà des années 2020».

Total exploite aussi en Alberta - en partenariat à parité avec Conoco Phillips - le site de Surmont, où l'on utilise déjà la technologie de drainage assisté par injection de vapeur (SAGD, voir l'encadré).

Pour l'instant, il donne 20 000 barils par jour, mais Total envisage un investissement qui augmentera la production de 80 000 bpj vers 2014 ou 2015.

«On a besoin sur tous ces projets de choisir les meilleures technologies. Avec le souci d'être performants en termes de production de pétrole et en termes de l'environnement, concernant le CO2, l'eau, la réhabilitation des sites. On a besoin d'être performants aussi en termes de coût», précise le président de Total Canada, ancien directeur du développement durable du groupe.